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Atys par Christophe Rousset : une vision renouvelée

Après l'enregistrement de Thésée (Aparté), nous proposent leur version magnifiquement ciselée du chef d'oeuvre de Lully.

Prenez trois éléments préexistants à l'opéra à la française : la tragédie classique, le ballet de cour et l'air de cour. Ajoutez-y le talent d'un grand librettiste (Quinault) et le génie d'un musicien venu d'Italie (Lully), et vous obtenez la tragédie lyrique, ce genre nouveau qui a tant fait pour le rayonnement de la musique française au siècle de Louis XIV. Atys, créé à Saint-Germain-en-Laye en 1676, un an après le succès de Thésée, connaîtra les faveurs de la cour puis celles du public parisien, avant d'être surnommé « l'opéra du roi » lorsque Louis XIV en demandera de nombreuses reprises. a choisi ici la partition publiée par Ballard en 1689, après la mort de Lully, proposant ainsi une version renouvelée grâce aux dernières découvertes musicologiques. Quelques différences donc avec les versions précédentes (William Christie en 1987 et en vidéo en 2011 – Clef ResMusica,  (Hugo Reyne en 2009 – également Clef ResMusica…), mais avant tout un grand respect de la trame dramatique de la tragédie, qui est une des rares à proposer une fin malheureuse.

Qui plus que avait la légitimité pour nous donner une nouvelle version au disque d'Atys, recréé la première fois en 1986/87 par William Christie, dont il était alors l'assistant? Une aventure qui a marqué durablement le jeune claveciniste devenu chef à son tour, comme elle a marqué d'une véritable « aura fondatrice » (F. Langlois) tous les musiciens de l'époque, ainsi que le public. Dans sa démarche de l'enregistrement du corpus complet de la tragédie lullyste, dont il a déjà enregistré dix opus, a souhaité attendre une maturité qui lui permette de « donner une interprétation personnelle de cette œuvre, l'explorer différemment ». Trente-sept ans après cette première expérience, il nous propose une version dynamique et subtile, où chaque phrase est façonnée pour exprimer au mieux les sentiments des protagonistes. La distribution vocale impeccable est au service d'une émotion de grande intensité.

Dès les premiers airs du prologue, on est frappé par la profusion de l'ornementation vocale, plus sobre dans les versions antérieures sous le prétexte discutable que Lully prohibait toute « broderie ». Or, la filiation avec l'air de cour rend les agréments incontournables dans le chant lullyste. Et quand cette ornementation est aussi bien réalisée qu'elle l'est ici, on ne peut qu'applaudir à ce supplément d'âme qui souligne parfaitement les affects du texte. Les chanteurs sont tous excellents. campe un Atys très touchant, et est exceptionnelle dans le rôle si délicat de Sangaride. Leur duo amoureux de l'acte I est un grand moment d'émotion, ainsi que le « Je jure, je promets » de l'acte IV. Dans la célèbre scène du Sommeil au début de l'acte III, l'omniprésence du clavecin dans le continuo n'était pas forcément indispensable. Quant à la Cybèle d', elle ne fera peut-être pas oublier les interprétations qui l'ont précédée (en particulier Guillemette Laurens et Stéphanie d'Oustrac), mais sa voix riche sert parfaitement une palette d'émotions variées, et l'air « Espoir si cher et si doux » reste un sommet de l'œuvre. Tous ont une diction irréprochable, qui met en valeur le texte. Le Chœur de chambre de Namur, que nous avions déjà admiré récemment dans Thésée, est d'une précision sans faille. Le chœur des Songes funèbres, ponctué par les percussions orageuses de Marie-Ange Petit, est un moment de bravoure. Quant à l'orchestre des Talens Lyriques, mené par le premier violon de Gilone Gaubert, il nous offre des danses admirablement raffinées et des tempi rapides très maîtrisés. Christophe Rousset a voulu « donner à ce chef d'œuvre une couleur et une énergie nouvelles ». C'est parfaitement réussi.

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