Dans le fonds gigantesque de Deutsche Grammophon, on trouve encore des inédits à l'image de ces deux sonates de Beethoven enregistrées tardivement par Rudolf Serkin.
Né en 1903 et mort en 1991, Rudolf Serkin a laissé une imposante discographie, chez Sony puis DG, pour ce dernier notamment les trois dernières sonates de Beethoven enregistrées au Konzerthaus de Vienne en octobre 1987. Aujourd'hui, Deutsche Grammophon publie deux autres témoignages tardifs, dont le pianiste n'a pas eu le temps d'approuver la publication avant de mourir. Publiées à l'instigation de sa fille Judith, elles constituent un témoignage imparfait mais émouvant du grand pianiste.
Captée en 1986, sa « Waldstein » impressionne par sa grandeur, sa poésie et sa retenue. L'énoncé du célèbre thème du finale, tout en délicatesse, dans un tempo plus retenu que ses versions antérieures, débouche sur une coda dont l'énergie n'a rien à envier aux plus brillantes. Cette lecture d'une poésie très intérieure nous touche cependant profondément. En revanche, l'« Appassionata » captée trois ans plus tard, alors que Serkin avait déjà 86 ans, révèle incontestablement quelques failles techniques, une dureté dans les fortissimos qui ne traduit pas la puissance mais plutôt un relatif manque de contrôle à moins que ce ne soit, comme le suggère l'analyse de Jed Distler, une insuffisance de la prise de son. Dans son texte de présentation, sa fille Judith Serkin reconnaît d'ailleurs que cet album n'est pas « parfait » (les guillemets sont d'elle). Dans ces conditions, on prendra cette parution comme un témoignage du crépuscule de l'art d'un grand pianiste, mais pas comme une référence en soi ni même comme un apport essentiel à sa discographie où l'on cherchera en priorité les gravures Sony, techniquement préférables.