Quoi de plus léger comme histoire qu'une unité de soins palliatifs qui réalise des expérimentations clandestines sur des patients en fin de vie ?
Benjamin Hamon s'empare du sujet largement tabou des « expériences de mort imminente » pour en faire un opéra profondément bouleversant. Dans une mise en scène aussi intense qu'épurée, signée pour cette reprise par Victoria Duhamel, Espace fluide nous entraîne dans 1h30 de suspense, entrelaçant une intrigue quasi-policière avec les mystères de l'Au-delà.
Exécutée par l'Ensemble Calliopée, dirigé par Takénori Nemoto, la partition déploie un stream évocateur mêlant vents, archets et piano, qui laisse place à quelques moments concertants, plus lyriques à mesure que s'approche le dénouement. Les voix des mezzos Albane Carrère et Aurore Ugolin se répondent dans un émouvant duo médecin-patiente qui fonctionne, outre les qualités vocales, grâce à une vraie force d'incarnation. Signalons aussi la présence scénique d'un monumental cocon translucide, seul « personnage » à ne jamais quitter le plateau de la Porte Saint-Martin, qui se soulève et s'abaisse pour emmener les patients vers leur « décorporation »…
L'opéra de Benjamin Hamon se conclut sur l'idée dérangeante que c'est en s'approchant au plus près de la mort qu'on peut parvenir, non à la conjurer mais à surmonter la peur qu'elle nous inspire. Il paraît, selon la célèbre maxime, que le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. Au contraire, Espace fluide affronte en face les mystères derniers et utilise habilement la puissance de l'art lyrique pour apaiser notre grande angoisse existentielle. Un opéra thérapeutique.