Roland Wilson a choisi de restituer la première version de la Weihnachtshistorie de Schütz, complétée par des motets du même compositeur et par son grand Magnificat à 5 chœurs.
L'Histoire de la Nativité est l'un des chefs-d'œuvre les plus connus d'Heinrich Schütz. Il servira de modèle à tous les oratorios allemands postérieurs, et particulièrement aux Passions de J. S. Bach. Le rôle principal donné à l'Évangéliste, comme dans l'Histoire de la Résurrection dix-sept années plus tôt, est ici concurrencé par les dialogues entre les instruments et les voix dans les intermèdes qui ponctuent les récitatifs. Il existe plusieurs versions de l'oratorio de Noël de Schütz, toutes incomplètes : Roland Wilson a choisi d'enregistrer pour la première fois la version de Berlin (SWV 435b) datée de 1660, avec les récitatifs conformes à la création de l'œuvre à Dresde. Les parties instrumentales ont dû être en partie reconstituées par Roland Wilson lui-même, ainsi que certaines parties du chœur d'introduction. L'ouverture et le final sont en forme de double chœur où dialoguent les voix et les instruments, du plus bel effet. La richesse de la coloration instrumentale est la première qualité de cette œuvre. Chaque personnage est ainsi caractérisé par les instruments qui l'accompagnent : violons pour les anges, flûtes pour les bergers, cuivres pour Hérode et les Grands Prêtres.
Dans l'interprétation exemplaire de Musica Fiata, une attention toute particulière est portée à la variété du continuo : intervention du posaune dans l'accompagnement des Mages, et de l'orgue-régale pour caractériser Hérode. Les sacqueboutes et les cornets colorent de façon très vivante les intermèdes. Les chœurs de la Capella Ducale sont parfaitement timbrés et dialoguent à part égale avec les symphonies instrumentales. Quant aux voix des solistes, elles sont remarquables : le ténor Tobias Hunger est un Évangéliste très convaincant, bonne projection et diction parfaite. Mais la belle découverte de ce disque est la voix de la soprano Marie Luise Werneburg dans le rôle de l'Ange, aux aigus incroyablement souples. On la retrouve dans le grand Magnificat à 18, bel exemple de polychoralité où dialoguent chœurs vocaux et instrumentaux. D'autres motets complètent le programme, comme autant d'oratorios en miniature, qui confirment les qualités d'expressivité des ensembles dirigés par le cornettiste Roland Wilson.