Les frères Christian et François Ben Aïm ont ouvert avec Tendre colère le festival Suresnes Cités Danse au Théâtre Jean Vilar, pour une 33ème édition qui s'éloigne de l'ADN hip-hop du festival.
Ouvrir un festival, c'était donner le La. C'est montrer la tendance des festivités à venir. Et là, le ton est donné : le 33ème festival de Suresnes n'allait pas être avant tout celui du hip-hop et de ses concubinages heureux ou moins convaincants avec d'autres musiques et d'autres danses, qu'elles soient classiques, contemporaines, ou danses du monde, tel que l'avait concocté Olivier Meyer, l'ancien directeur du Théâtre de Suresnes. Le temps a passé, la direction a changé, et sa successeuse, Carolyn Occelli a bien l'intention de proposer une autre esthétique, forte de métissages, mais pas systématisée autour du hip-hop.
La preuve en est donnée, donc, avec le spectacle inaugural, Tendre colère, une création des frères Christian et François Ben Aïm, artistes associés du Théâtre de Suresnes depuis 2023. Chez eux, pas de brassages. Pas de rencontres autour d'un projet. Rien que du contemporain, dans une énergie assez transparente, malgré la force du propos : dans le calme et le dialogue avec l'autre, un homme en robe de bure, gant d'acier pour chevalier du Moyen Âge et balai à la main, regarde le public, longuement, léger sourire aux lèvres ; arrive une jeune femme en robe asymétrique et tous deux se mettent à évoluer lentement, glissant l'un sur l'autre, dans un début de tendresse.
Des comparses arrivent aussi, avec des corps qui s'effondrent doucement au sol dans les bras des autres. Chacun évolue dans les espaces du plateau, habité seulement d'un fin tronc d'arbre énigmatique. Parfois, ils sont aussi à l'unisson, et cette énergie-là ragaillardit… Mais le plus souvent, ils sont en couple, avec des corps à corps très doux, se laissant tomber l'un dans l'autre, comme s'ils ne formaient plus que liquide.
Sauf que le ton change alors, comme si le collectif menait à la meute. Les lumières agressent, les pieds martèlent le sol, ils nous incitent à nous réveiller, à nous mettre debout. L'humanité collective détruit-elle l'humain ? En quelque sorte. Ce n'est pas très gai, mais ce n'est pas faux non plus. Cette danse poétique mais aussi politique, rude et tendre, est là pour nous le rappeler.