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À La Chaux-de-Fonds, le violon de Daniel Lozakovich sublime Mozart

Pas un strapontin de libre dans la mythique Salle de Musique de La Chaux-de-Fonds pour applaudir , la jeune étoile du violon.

Comme on dirait d'un danseur, il est élancé, svelte, le visage épanoui, le regard émerveillé. Il est jeune (24 ans), il est charismatique, il est souriant. Il est élégant, il porte beau sans excès. Cette beauté n'est pourtant pas ici au service de la danse mais, toute entière dédiée au violon et se traduit totalement dans sa musique. Magnifiquement serein, il s'avance lentement, recevant l'acclamation du public avec un timide étonnement, le salue avec une révérence souple et déférente. Alors que l'orchestre entame les premiers accents du Concerto pour violon et orchestre n° 3 en sol majeur de Mozart, l'attitude du jeune homme capte l'attention du public. Les yeux se promenant au plafond de la salle, comme indifférent à la musique qui s'élève autour de lui, semble rêver. Bientôt, il abaisse son regard vers les musiciens de l'orchestre. Il leur sourit timidement, sans condescendance aucune, mais avec une bienveillance sincère et profonde. Le violon pendu à sa main effilée, l'archet pointant, il jette un dernier regard sur son instrument, fait un léger ajustement de la mentonnière, puis il le porte bientôt à son épaule, sans précipitation, avec un calme naturel désarmant. A peine l'archet touche-t-il la corde que déjà, on frissonne à la beauté de ce trait de quelques notes qui impose immédiatement l'expression artistique la plus aboutie. Bien sûr, il y a la technique. Certes il y a le Stradivarius. Mais le son de ce violon est l'œuvre de Lozakovich. Quelle grâce, quelle douceur, quelle chaleur ! Dès lors, chaque note est le mot d'une histoire qu'il nous raconte. Le verbe y est précis, enveloppant, coloré, profond. Après quelques mesures, s'approche du pupitre du chef d'orchestre et, de son violon, de son archet harmonieux, s'approprie, avec la manière, une direction moins stricte, moins attachée à la note du papier à musique, plus ouverte à la conversation d'un violon et d'un orchestre. Il est le maître à bord. C'est à l'attaque de l'Adagio qu'on reçoit pleinement le miracle qui habite le violoniste. Il faut peut-être remonter à 1956 et à l'enregistrement d'Arthur Grumiaux avec Bernhard Paumgartner et les Wiener Symphoniker pour entendre un Adagio aussi inspiré et des pianissimi aussi éthérés. Imposant un tempo assez lent, un accompagnement aussi discret que possible, Daniel Lozakovich en musicien à la sensibilité exacerbée, use de l'acoustique exceptionnelle de la Salle de Musique de La Chaux-de-Fonds pour laisser à son violon d'emplir l'espace de ses notes sublimées. On sent le soliste totalement inspiré par la musique de Mozart. Il faut le voir dans le Rondo final accompagnant son violon et les phrases du compositeur de grands mouvements du corps tel un danseur chavirant aux arabesques de la musique. Après plusieurs rappels à l'enthousiasme crescendo, Daniel Lozakovich offre un bis. Après un long moment de réflexion, comme s'il interrogeait sa mémoire pour décider de ce qu'il va offrir au public, c'est enfin avec une époustouflante interprétation de la Sonate n° 3 en ré mineur, Ballade Op. 27 d'Eugène Ysaïe, qu'il termine son concert, au terme duquel nombre de crins de son archet n'ont pas résisté à sa fougue.

Auparavant, le concert avait débuté avec la Symphonie n° 88 en sol majeur de à laquelle le chef a voulu imprimer une vue très personnelle, plutôt que traditionnelle, à un qui ne peut prétendre à la souplesse d'un orchestre disposant de suffisamment d'expériences concertantes pour donner une continuité musicale à ce bijou symphonique. S'en suivent quelques décalages toujours préjudiciables à la dentelle de , et un certain manque d'équilibre sonore entre les pupitres (Dieu, que cette trompette cuivrait à l'extrême !) Il faudra attendre le Menuet du troisième mouvement et l'Allegro con spirito du dernier mouvement pour retrouver une meilleure cohésion orchestrale.

Après l'entracte, l' s'attaque à un monument de la musique avec la Symphonie n° 3 en mi bémol majeur « Eroica » de Beethoven. Là encore, le chef peine à régler l'équilibre sonore entre les pupitres. En particulier, lorsque les cuivres et les bois jouent, la présence des cordes est complètement étouffée. Pourtant à voir les musiciens s'évertuer sur leurs archets, ils ne chôment pas. Dommage parce qu'avec un peu plus de discernement sur les volumes sonores, l'approche de l'ensemble neuchâtelois à cette symphonie aurait gagné en musicalité. À trop vouloir le contraste, on perd la continuité symphonique. Reste que, quand bien même le résultat ne nous a pas semblé des plus probants, l'enthousiasme des musiciens de l'orchestre était palpable et nul doute que l'expérience continue des concerts profitera à la renommée de cet ensemble.

Crédit photographique : © Jacques Schmitt/Resmusica

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