Le chorégraphe belge Wim Vandekeybus conjugue danse, théâtre et cinéma avec Infamous Offspring, présenté sous la touffeur de la Grande Halle de La Villette, à Paris.
La mythologie grecque inspire Wim Vandekeybus qui met en scène dans Infamous Offspring une famille dysfonctionnelle : celle des dieux de l'Olympe. A leur tête, Zeus et Héra, père et mère monstrueux et indignes, prêts à trahir pour éviter d'être détrônés. Héra vit dans la nostalgie de la sensualité passée avec son époux et rejette ses enfants. Pour ajouter de la distance, ces deux personnages – incarnés par les comédiens anglais Daniel Copland et Lucy Black – ont été filmés en plan-séquence et ne sont pas présents sur scène. Leur texte, co-écrit avec la poétesse Fiona Benson, insiste sur l'indignité et la luxure de leur comportement.
Autre personnage apparaissant sur un écran géant au-dessus de la scène, c'est le danseur flamenco Israël Galvan, transformé en Oracle ou en idole argentée. Le comble pour un danseur dont les pieds sont l'instrument, il est enfermé jusqu'à mi-torse dans un tonneau argenté lui aussi, sur lequel il frappe, provoquant des sons percussifs agrémentés de bruits de pièces de monnaie et de talons de chaussures, ou sur un cadre de piano désossé. Ce sont les trois personnages forts de cette pièce d'en haut, qui répond à la scène d'en bas où les enfants – dieux et déesses, eux aussi, se disputent pour tout et rien. Danseurs et danseuses de la compagnie Última Vez alternent parties théâtrales et séquences dansées – très physiques, comme les aime Wim Vandekeybus. Pour camper leur personnage : Arès, Kronos, Athéna, Aphrodite, Dionysos, chacun développe une dramaturgie personnelle et identifiable, naviguant dans les eaux troubles de cette fratrie toxique.
Le personnage le plus fascinant est sans conteste incarné par la contorsionniste Iona Hewney, qui est aussi peintre, et réalise en direct de très beaux dessins au fusain, qu'elle brûle aussitôt. Ce personnage ambivalent, à la fois fragile et fort, rampe plus qu'il ne marche, évoquant ainsi le handicap de ce dieu boiteux.
Si l'alternance de ces registres et expressions artistiques (cinéma, danse, dessin et théâtre) est riche, la danse semble un peu écrasée par le dispositif. Malgré les toujours fantastiques sauts carpés et roulades inspirés de la technique de danse-contact, de ces danseurs, on ne parvient pas à être touché par l'expression du mouvement en lui-même. Peut-être est-ce aussi la faute de la chaleur, accablante sous la structure de fer et d'acier de la Grande Halle de La Villette, décidément inadaptée au spectacle de juin à septembre.