Sept danseurs contemporains et cinq danseurs classiques du Jeune Ballet du CNSMD de Lyon, promotion 2021, sortants, investissent le grand plateau de la Maison de la danse, dans un quadruple programme clôturant traditionnellement l'éclectique saison 2024-2025. Un feu d'artifice tourbillonnant de lignes d'énergies…
Le nouveau directeur des études chorégraphiques du CNSMD de Lyon, Edmond Russo, a concocté un programme sur mesure, bigarré et harmonieux, afin de mettre en valeur chaque facette de la potentialité professionnelle des jeunes multi talentueux interprètes du Jeune Ballet, s'adaptant du classique au contemporain ou inversement, en fonction de leur discipline originelle d'entrée au CNSMD. Cette plasticité rayonnante, qui ne craint pas l'effort, semble l'ADN de cette génération à la fois ambitieuse et anxieuse, capable de se fondre dans l'univers de chorégraphes aux correspondances ici musicales très riches. Son choix s'est porté sur quatre pièces, dont deux créations 2025.
Song Lines, créée en 2018 par l'Australienne Joanne Leighton, recréée en Nos Songlines pour le Junior Ballet offre aux danseurs de magnifiques embardées marchant-tournoyant, sur les rythmes fougueux du piano percussif de Terry Riley. Qu'ils soient réunis en ronde, duo ou trio, il en va toujours de se frôler sans se toucher, explorant en somme, le geste de marcher, de courir ou de s'envoler, fondateur de tout acte dansé. Les costumes sont beaux et colorés : un délice des sens aiguisés par les volutes légères de simples tombés délicats, chacun étant de couleurs vives différentes, les hauts presque tous unis, les jupes longues fluides aux motifs batik.
Pour le deuxième temps de la soirée, le programme propose une création du chorégraphe et musicien de jazz Jamil Attar, Dodécagone, pour les sept interprètes du Ballet contemporain, avec des improvisations en cercle sur douze notes, en costume de coton gris perle, version mi-survet', mi-paillettes. Cela swingue, c'est doux et tendre à la fois.
Après l'entracte, place à une création de l'ex-danseur de l'Opéra de Paris, Nicolas Paul, Au commencement serait le verbe, pour les cinq interprètes classiques, entre leçon de danse en acte. Tous vêtus d'ensembles unis gris-anthracite, chaque danseur annonce la couleur de la position, seconde, quatrième, première, seconde, et endosse tour à tout le rôle du maitre ou de élève, d'abord a capella, puis en musique, au piano, crescendo et classique, entraînant les pas vers de sobres figures. C'est une réflexion sur l'équilibre, une pièce sobre, belle, poétique, dont la clarté honore les pointes souples sur lesquelles Nicolas Paul fait monter les danseurs, hommes comme femmes portant ces chaussons souples par souci d'équilibre.
Pour clore la soirée, en un quatrième temps, et en guise de bouquet final, le Deuxième mouvement, extrait de Freedom Sonata (2024) du chorégraphe israélien Emmanuel Gat, sur la musique de la Sonate pour piano n°32 de Beethoven est magnifié par la grâce de ces jeunes professionnels, en costume blanc immaculé, jupette-pantalon, pantalon, jupe ou robe, hauts sans manche, avec un distribution des costumes non genrée dans les deux pièces réunissant tous les interprètes.
Ce programme subtil réjouit et prouve la force interprétative de ces danseurs qui se fondent indifféremment depuis leurs deux disciplines, quand il s'agit de danser ensemble, au service d'une nouvelle écriture chorégraphique ou des plus rôdées. Des lignes de chant dansées, donc, pour reprendre le titre de la pièce de Joanne Leighton, comme des sonates dansées en liberté, comme nous le suggère Emmanuel Gat, sur des thèmes musicaux aussi différents qu'entraînants ou contemplatifs, qu'il en aille des accords classiques, des notes pizzicato plus jazzy des compositions de Jamil Attar, ou de l'ultime sonate pour piano de Beethoven, lente et mélancolique.
Spinoza, dans l'Ethique, précise, more geometrico, que « tout ce qui est beau est difficile autant que rare », la promotion 2021 du Jeune Ballet du CNSMD de Lyon nous le confirme. Qu'ils regardent côté cour ou jardin, face ou dos public, virevoltant ou se figeant, ces jeunes danseurs et danseuses ont une prestance scénique rare, pas un sourire. Bonne route à tous sur les chemins chorégraphiques de traverse ou pas !
Crédits photographiques : © Blandine Soulage