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A l’infini, la fin de saison du Ballet de l’Opéra de Lyon

Pour clôturer sa saison 2024-2025, le a proposé un programme mixte intitulé « A l'infini » et composé de trois pièces : Untitled une création de , la reprise de Self Duet de et l'entrée au répertoire de Concerto de .

La création Untitled de , qui ouvrait la soirée, laisse une impression ambivalente. La fascination opère, mais en creux. Quelque chose semble s'être manqué : une rencontre, peut-être, entre la chorégraphe et les danseurs de l'Opéra de Lyon. On retrouve les motifs récurrents de Belaza – les gestes en boucle, l'enroulement sur soi, la lenteur méditative – mais sans l'étrangeté vibrante qui fait, d'ordinaire, la puissance de son écriture. Comme si l'œuvre s'était détournée de son propre souffle.

Des costumes noirs, une lumière crue, des lignes, de l'épure. Une danse parfois muette, parfois éclatante. Une tension sourde, faite de désamour, de lassitude peut-être, ou d'un désespoir feutré qui ne se dit pas. Quelque chose affleure : une intimité partagée, presque universelle, qui passe par les interstices des corps, entre les battements de paupières et les lentes respirations des quatorze interprètes du . Après cette première heure à la fois éprouvante et somptueuse – belle dans la perpétuation qu'elle engendre – le rideau tombe. Vient alors un entracte silencieux, comme un pacte tacite entre le spectateur et son ombre, entre les danseurs et leur fatigue.

La deuxième partie permet de voir deux pièces plus courtes. Self Duet, d'abord, créé en 2021 par à l'invitation de l'ancienne directrice Julie Guibert. Conçu comme un duo avec soi-même, cette œuvre intime trouve ici une nouvelle incarnation, interprétée ce soir par Katrien De Bakker et Tyler Galster. Soulier, aujourd'hui directeur du Centre national de danse contemporaine d'Angers, formé chez P.A.R.T.S. et grand lecteur de Kant, explore depuis longtemps la correspondance entre danse et pensée, entre musique et mouvement – une logique qu'il partage avec Anne Teresa De Keersmaeker, dont la Nuit transfigurée est également entrée au répertoire du Ballet.

Self Duet se tisse sur la musique du Roi des Aulnes de Schubert, inspirée de Goethe. Pas besoin des mots : la partition, tragique, suffit à évoquer l'urgence, le souffle raccourci du père pressant son enfant contre lui à travers une terre gelée. Sur scène, les corps ondulent comme dans deux couloirs de nage parallèles, s'enroulent, se contorsionnent dans un dialogue intérieur fait de silences et de ruptures. La danse devient pensée, et inversement. Cette manière qu'a de mettre en scène la réflexion elle-même, de donner forme à la pensée par le mouvement, convoque l'esthétique kantienne : ce jugement libre, sans concept, qui réconcilie l'intelligible et le sensible.

Nous avions déjà été marqués par sa Leçon de danse donnée à l'Amphithéâtre de l'Opéra de Lyon – une conférence dansée inoubliable, vue avec notre fille encore toute petite. Seul en scène, Soulier y retraçait les gestes fondateurs de la danse contemporaine en citant les grands chorégraphes qui l'ont influencé. Un moment d'une grande clarté, d'une beauté rare.

Enfin, Concerto de – œuvre emblématique de la danse post-moderne américaine – clôt le programme avec son écriture géométrique, ses motifs en miroir, sa joie minimale. Une entrée au répertoire du qui, elle, sonne juste : comme une libération rythmique après la densité des pièces précédentes. Une manière d'ouvrir, à l'infini, d'autres respirations.

Crédits photographiques : © Marc Domage et Juliette Valero / Opéra de Lyon

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