Concevoir une série d'évènements culturels de qualité, renouveler une offre musicale dans un lieu aussi prestigieux n'était pas chose aisée lorsque Hélène Berger imagina, il y a quinze ans, le Cap-Ferret Music Festival. La dernière édition s'est tenue du 5 au 12 juillet. Un défi relevé, un pari réussi.
Chaque festival possède sa propre identité liée à la fois à la détermination de sa direction et à une connaissance des publics dont les goûts parfois imprévisibles évoluent au fil du temps. Pour autant, un public estival n'attend rien en particulier sinon d'être surpris, dérouté, voire dérangé dans ses habitudes de concerts. A l'évidence, les habitués du Cap-Ferret Music Festival recherchent un supplément d'âme au farniente.
Chaque année, un nouveau thème est donc proposé aux festivaliers. Cette saison, « la création » et ses dérivés, à savoir re-création et récréation associent musique classique, musiques du monde et jazz. Autant de croisements multiples entre des artistes venus du monde entier – en quinze ans, 400 musiciens de 34 pays auront été programmés – et de rencontres étonnantes, improbables entre un piano, une harpe, des percussions japonaises, un guzheng chinois, un kanoun syrien…
Hélène Berger a su imposer, en présentant systématiquement les concerts aux côtés des élus, une convivialité artistique qui favorise la venue des publics les plus divers dans un lieu davantage réputé pour les V.I.P. qui y résident que pour sa mémoire culturelle. Quoique… Comment oublier les visages de Jean Cocteau, Marcel Aymé, Raymond Radiguet, Jean Anouilh, Georges Auric résidents amoureux et épisodiques de la presqu'île ? La lumière si particulière des forêts et des criques se prête à la création, aussi bien des peintres que des écrivains et musiciens.
Il faut dire aussi que les lieux des grands concerts du soir qui débutent à 21 h sont “hors-norme”. Imaginez être face au dernier soleil qui éclaire la dune du Pilat, et passer d'un site enchanteur à l'autre. Plusieurs centaines de personnes sont ainsi accueillies avec un subtil mélange de décontraction et la promesse d'une soirée de divertissement au sens le plus noble du terme. Une cinquantaine de bénévoles participent grandement au succès de chaque édition.
Dans ce festival, l'équilibre se dose entre les souhaits des mélomanes et le mélange des genres. Certaines années, la programmation oscille davantage vers le classique et, à d'autres périodes, vers le jazz ou les musiques du monde. Le répertoire classique est certainement le plus délicat à promouvoir car il subit une contrainte de taille dans des lieux ouverts sur la nature. Heureusement, le festival bénéficie d'une organisation technique de première qualité (il faut imaginer des dispositifs sonores et scéniques installés et démontés tous les soir). Une telle organisation permet de restituer des interprétations dans une qualité sonore assez stupéfiante (les concerts sont systématiquement enregistrés en vidéo).
Entendre un quatuor à cordes (Quatuor Prométhée), un trio de flûtes traversières (Trio Luz), deux Steinway sur scène (Alice Taglioni et Laurent Levesque), un duo accordéon et piano (Boban Bjélic, Hélène Berger) est peut-être, en théorie, moins évident dans de telles conditions, qu'un concert de musique purement électronique…
Le festival ne se résume toutefois pas aux grands concerts du soir. D'autres évènements publics s'agrègent : une série de rencontres, des concerts inattendus et une académie internationale liée à des collaborations artistiques avec diverses structures, qu'il s'agisse de concours, d'ensembles ou d'universités en France et à l'étranger. C'est ainsi que pour la première fois, l'Orchestre de pianistes des Petites Mains symphoniques se produit en public.
Par ailleurs, près d'une centaine de stagiaires participent aux master-classes publiques auxquels s'ajoutent des ateliers découvertes destinés aux plus jeunes ainsi que des conférences. Les publics les plus divers sont ainsi concernés : les enfants avec le pianiste Eric Artz qui joue des musiques des dessins animés de Walt Disney, les master-classes du pianiste autrichien Thomas Kreuzberger, de Rabah Aliouane pour la comédie musicale, de Lisa Tannebaum pour la harpe, etc. Tous les après-midis du festival, le public découvre sept jeunes artistes “révélations 2025”, récipiendaires de prix d'honneur et lauréats de quelques concours internationaux. Certains d'entre se produisent pour la première fois en France.
Le soutien sans faille des partenaires institutionnels et des mécènes est essentiel pour la pérennisation du festival. Cela est d'autant plus vital dans le contexte économique actuel qui met à mal les subventions publiques et incite de plus en plus d'élus des collectivités territoriales à supprimer nombre de financements culturels. Maire de la ville de Lège-Cap Ferret, Philippe de Gonneville renouvelle son soutien sans faille au Cap-Ferret Music Festival : « je salue le travail remarquable d'Hélène Berger qui fait venir des artistes de grande qualité dans des lieux magiques. L'alchimie fonctionne et répond à mon ambition qui est de promouvoir l'identité et les valeurs culturelles qui sont les nôtres. L'exigence artistique et le refus de toute dérive commerciale font que le Cap-Ferret Music Festival est le point d'orgue de notre saison culturelle. »