Au Festival du Haut Limousin, la salle à l'acoustique réputée de la Ferme de Villefavard permet notamment de découvrir les talents de demain dans une atmosphère bon enfant. Pour le concert de fin de résidence des Talents de l'ADAMI, les jeunes artistes solistes emmènent le public dans des répertoires pas si usités.
Le concert de fin de résidence est porté par trois chanteurs et cinq solistes instrumentaux avec une nouveauté cette année : ils sont mis en scène par Nicolas Le Bricquir, très adroitement car avec une économie de moyens évidente. Le jeune metteur en scène installe un vrai climat avec des petites historiettes qui donnent une forme de cohérence à cette succession de prestations, ce qui n'était pas chose aisée. De fait les artistes s'amusent entre eux en interprétant, en jouant de leur présence, en réalisant des ombres chinoises, en lisant des histoires… Le spectacle est plutôt plaisant et plus complet finalement que les années précédentes.
Au cours du spectacle, les Talents de l'ADAMI 2025 sont amenés à présenter deux morceaux pour mieux souligner leurs différentes qualités et leur polyvalence, dégageant parfois des affinités plus ou moins marquées.
La soirée s'ouvre avec un solo de hautbois hispanique du compositeur Gilles Silvestrini qui déploie mystère et sensualité sous l'impulsion d'Ilyes Boufaden-Adloff au souffle très contrôlé et au phrasé impeccable. Il reviendra avec une composition du pianiste et compositeur Fazil Say très cinématographique et où la tendresse de son jeu fait sensation.
La mezzo Léontine Maridat-Zimmeman présente l'air de Rosine du Barbier de Séville de Rossini avec beaucoup d'aplomb. On est marqué en premier lieu par une voix chaude et puissante et une présence indéniable. Les intentions et impulsions qu'elle donne à chaque phrase sont assez admirables et compensent des vocalises peut-être un peu timides. On la retrouve à notre sens plus à l'aise vocalement dans l'air du Prince Charmant de la Cendrillon de Massenet où la ligne de chant onctueuse du compositeur sied à merveille à sa voix ductile et chaleureuse qui fait des merveilles dans l'opéra français et avec toujours un sens du jeu impressionnant.
Première flûte solo de l'Orchestre de l'Opéra de Paris depuis 2023, Iris Daverio présente la Romance pour flute et piano de Camille Saint-Saëns, pièce à laquelle elle confère, grâce à un souffle bien maîtrisé, une langueur et une tendresse à décongeler la banquise. Elle reviendra plus tard avec une suite de Casse-Noisette de Tchaïkovski qui souligne davantage la clarté et la précision des notes dans une interprétation ludique et attendrissante.
Plus surprenant est le basson de Laure Thomas qui choisi de présenter deux pièces « contemporaines ». Les Variations concertantes d'Ida Gotkovsky sont des pièces très exigantes avec une diversité de techniques que Laure Thomas assume parfaitement avec des passages rapides et lents et des sauts d'intervalles impressionnants. Il en va de même avec les Divertissements de Jean Françaix extraordinairement virtuoses où la bassoniste surprend par la précision et la maîtrise du souffle ainsi que la variété des sons proposés dans une interprétation qui nous semble ne pas manquer d'ironie.
Luis González Garrido défend en premier lieu la célèbre Sérénade espagnole d'Albeniz dont il a fait une transcription pour saxophone qui fonctionne très bien car les sonorités proposées par le soliste jonglent entre la mélancolie et la danse avec beaucoup d'aisance. Selon le même principe de transcriptions, les Six danses populaires roumaines de Béla Bartók lui permettent de montrer toute la virtuosité dont son instrument est capable avec des phrases plus resserrées.
Vient le tour du claveciniste Alessio Zanfardino qui présente deux sonates de Scarlatti dont on admire le mélange de virtuosité avec des tempi très rapides mais avec une fluidité de la ligne et surtout un toucher précis et plus délicat que ce que l'on peut entendre habituellement dans les autres interprétations du compositeur. Etourdissant mais sans esbrouffe.
S'en suit une scène de théâtre à part entière avec la dispute du mari et de la femme extrait des Mamelles de Tiresias de Poulenc. La soprano Sima Ouahman est assez hilarante et impressionne le public en assurant crânement la prosodie redoutable de Poulenc, l'humour et le sens du théâtre que cette scène implique et les aigus stratosphériques de la partition. Elle semble ici comme un poisson dans l'eau, beaucoup plus nous semble-t-il que dans l'air de Nanetta du Falstaff de Verdi qui, même s'il continue d'exposer la très belle voix de la soprano et ses qualités techniques, manque d'italianité.
Le baryton Pierre Gennaï qui interprète son mari pour quelques phrases lui succède avec la très belle chanson de Blaisine de Déodat de Séverac où il subjugue par un bronze splendide, un phrasé et une déclamation impeccable, une douceur, une retenue, une intériorité qui confèrent beaucoup d'élégance à cette interprétation. Ces qualités se retrouvent dans l'air d'Hamlet d'Ambroise Thomas très sombre et douloureux.
Rappelons enfin que toute la soirée ils sont accompagnés par le pianiste Josquin Otal, qui assume parfaitement la variété des répertoire abordés avec beaucoup d'élégance et de caractérisation dans les sons et les phrasés.
Au Festival du Haut Limousin, quand on allie une programmation originale qui permet de passer une excellente soirée avec de jeunes artistes et un lieu de partage à l'atmosphère détendue, on peut parler de démocratisation de la musique classique.