C'est la clarinette, celle d'Antoine Moulin, qui sert de fil à rouge à la programmation de ce treizième album monographique du prolifique Dominique Lemaître dont les sept pièces (avec clarinette) couvrent plus de trente années de création.
Plus que l'idée du flux évoqué par le titre générique de l'album, Panta Rhei (« toutes les choses coulent » en grec ancien), c'est le concept d'image, de « musique-paysage » à contempler qui interpelle à l'écoute de la plupart des pièces. Imago (2022) se joue en trio (clarinette, violoncelle et piano), où chaque ligne, inscrite dans un temps suspendu, apporte sa couleur et sa vibration singulière. Dans Diaphanes (1992), un oiseau soliste (clarinette et piano en relais) improvise, nimbé du halo harmonique mouvant des autres clarinettes (re-recording du même Antoine Moulin). Le son est irisé, évoquant les textures d'un orgue à bouche, dans Nuages blancs (2016) où s'éploient lentement les lignes de trois clarinettes qui nous transportent dans un autre espace-temps. Dans le temps long toujours, et dans l'espace de la quarte augmentée, Night song diffuse les « lumières spéciales » du nocturne, entre balancement harmonique de la clarinette et halo sonore de la harpe qui nimbe délicatement la ligne épurée de l'instrument à vent entendu dans son registre clair. Lemaître associe la clarinette basse et les sonorités boisées du marimba dans Chrysalis 2 (2022), une pièce à la lisière du geste improvisé, sorte d'esquisse à la veine poétique. Si le mouvement circulaire de Clepsydres (1990), pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano, finit par lasser, la magie opère dans Lunaris (1995), pour clarinette solo, laissant apprécier les pianissimi d'Antoine Moulin et les fins éclats du registre aigu (appelé clairon) de son instrument.
Présent dans chacune des pièces, seul ou entouré des musiciens de l'ensemble PTYX, Antoine Moulin est épatant, faisant valoir l'ampleur de sa palette sonore qu'il exerce tant dans la musique improvisée qu'au service de la partition.