- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Un concert-portrait Michel Petrossian par l’Ensemble 2e2m

Quatre œuvres, dont deux créations mondiales du compositeur ,888 étaient à l'affiche du concert-portrait inscrit dans le cadre du (Modern Composer Festival) qui invitait sur la scène de l'Auditorium Marcel Landowski l' et son chef et directeur artistique .

Un lien très fort s'est tissé entre et le chef qui a dirigé, entre autres collaborations, l'opéra Job, Le Procès de Dieu en juin dernier à la Cité bleue de Genève. On les retrouve avec un immense plaisir lors de cette soirée quasi monographique où le compositeur a souhaité inclure la musique de Debussy dont il revendique l'ascendance.

Pour l'heure, c'est la création de la nouvelle version de Comme un feu dévorant… (2016/2025) de Petrossian qui débute le concert, associant l'alto de et la voix de – la première version de la pièce étant pour ténor et violoncelle. Le texte est tiré du Livre de Jérémie, chapitre 20, chanté par la soprano en grec ancien. On est frappé par la complémentarité des deux sources sonores et la profonde intimité de cette supplique chantée avec une douceur caressante par à laquelle l'alto apporte ses couleurs et ses souples commentaires.

Série d'images

Interprétée au piano par la Sud-Coréenne , lauréate 2020 du Concours international de piano d'Orléans, La lutte ardente du Vert et de l'Or (le très beau titre est emprunté au philosophe Gaston Bachelard) « est née d'une image musicale qui a surgi, toute prête, à la vue d'une roue de moulin au Moulin d'Andé », confie le compositeur. L'écriture semble obéir à une force centrifuge qui propulse la cellule sonore centrale vers les registres extrêmes, agrandissant tout à la fois l'espace et les capacités résonnantes de l'instrum1ent. Mystère et profondeur, déploiement virtuose et puissance du jeu sont autant de qualités qui ressortent du jeu habité de la pianiste. Elle enchaîne avec Reflets dans l'eau, extrait du premier Livre d'Images (1905) de Debussy où le flux généreux, encore empreint de la manière lisztienne, s'écoule avec clarté sous les doigts de la pianiste. dose idéalement rigueur du mouvement et liberté du geste, netteté du dessin et virtuosité lumineuse. Du grand art, sans nul doute !

Le Prélude à l'après-midi d'un Faune, coup de maître du premier Debussy (1894) se prête à d'innombrables transcriptions permettant au chef d'œuvre de voyager et d'être entendu de par le monde. C'est la transcription pour ensemble de douze musiciens du hautboïste et compositeur français David Walter qu'a retenue . L'interprétation est sur le fil, emmenée par la flûte (enchantée) de Philippe Grommetto et la direction sensible de qui soigne l'articulation du discours, laissant, in fine, advenir l'émotion.

C'est encore une image qui sert de stimulus à Stilleven (Nature morte ou plus justement « Vie arrêtée », en néerlandais), l'étonnante pièce de violon que Petrossian écrit… pendant le confinement. Le compositeur est tout à sa contemplation, « longue et fertile », devant la toile (avec huitres) du Hollandais Willem Claesz Heda, tirant les enseignements qui s'imposent : « Les huitres combinent la pulsion d'Éros et de Thanatos, avec la dimension aphrodisiaque de la chair, et la coquille qui symbolise la tombe […] », écrit-il dans sa note d'intention, extrait qui donne à savourer la plume visionnaire du musicien. Dans Stilleven, l'importance est donnée au dessin ciselé de la ligne et à son mouvement dans l'espace, portant les sonorités dans le suraigu du registre. En sourdine, passe furtivement l'ombre du melos populaire. est au pupitre, assumant une écriture exigeante et une virtuosité affolante avec une précision d'archet et une qualité du son qui forcent l'admiration.

L'Ararat, emblème de l'Arménie

Des réminiscences de chant arménien s'entendent également dans le Concerto pour violoncelle 8.4 donné en création mondiale, invitant sur le devant de la scène le violoncelliste arménien . Les vents vont par 2 et l'ensemble des cordes (piano et harpe inclus) font l'économie de la contrebasse. Le titre 8.4 se réfère aux durées des deux mouvements du concerto et au livre de la Genèse, chapitre 8, verset 4, où est mentionnée pour la première fois la montagne sacrée d'Ararat et ses deux sommets, Massis et Sis. Le premier mouvement (Massis) laisse apprécier le grain chaleureux du soliste et le lyrisme de sa ligne de chant que viennent étoffer les couleurs des vents.  Au sujet du second (Sis) conçu dans la fulgurance, associant violoncelle, piano, harpe et percussions, Michel Petrossian évoque sa passion adolescente pour le rock progressif qui semble ici rejaillir avec ferveur. et les musiciens de 2e2m s'y invertissent avec une énergie confondante, sous le geste galvanisant de Léo Margue.

Ainsi s'éclairent toutes les facettes d'un univers sonore singulier, aussi vivant que profondément attaché aux sources les plus reculées de notre civilisation.

Crédit photographique : © Didier Depoorter () / ResMusica

Lire aussi :

Michel Petrossian, le son et le sens

(Visited 132 times, 1 visits today)
Partager