Dans un nouveau solo intense, baptisé Bruitage, Rebecca Journo conjugue expérience sonore et performance chorégraphique à l'Atelier de Paris, où elle est artiste associée.
Les accessoires de bruitage sont réunis dans une boîte lumineuse, format téléviseur, que le créateur sonore Mathieu Bonnafous manipule avec des mains précises et précautionneuses, comme plongées dans une opération à cœur ouvert. À distance, avec ses boucles sonores qui amplifient et démultiplient le son, il semble le manipulateur de la créature qui s'éclaire soudainement dans un carré de lumière jaune.
Corps de tissu et de latex, entre mannequin de vitrine et poupée mécanique, la danseuse bouge les yeux, puis la mâchoire et d'autres parties du visage, au rythme du son métallique qui claque à intervalles réguliers. Ses bras gantés et figés s'animent au froissement d'une feuille d'aluminium. Et c'est tout son corps qui semble prêt à se froisser ou à se briser, comme une flûte de cristal.
La performance physique de Rebecca Journo, qui maîtrise chaque inflexion de cil, est étonnante et bluffante. Lorsqu'elle se met en mouvement, avec des mouvements saccadés, elle poursuit sa recherche autour de la poupée mécanique, qu'elle avait lancée avec le solo L'Épouse, et entre en correspondance avec le travail sonore réalisé avec Diane Barbé pour le solo Canicular.
Avec ce travail précis et subtil, très impressionnant, Rebecca Journo s'inscrit aussi dans l'histoire de la danse avec le personnage de Coppélia, la poupée mécanique du ballet éponyme, conçue par un savant illuminé, Coppélius, et qui rend fou le jeune villageois Franz. Mais c'est dans le cinéma expressionniste allemand, notamment celui de Murnau, que Rebecca Journo puisse son esthétique avec un maquillage appuyé, y compris pour son partenaire caché dans l'ombre derrière la boîte de bruitage.
Photos © Véronique Lemonnier
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