À Chaillot, Profanations est un véritable concert-spectacle du chorégraphe Faustin Linyekula et du compositeur et réalisateur Franck Moka, tous deux installés à Kisangani en République démocratique du Congo.
La danse et la musique comme outil de dénonciation et d'éveil politique. C'est ainsi que Faustin Linyekula, artiste associé à Chaillot Théâtre national de la Danse et Franck Moka, compositeur et réalisateur, ont conçu Profanations. Sur scène, trois instrumentistes, aux percussions, à la guitare et à la basse, accompagnent Franck Moka qui mixe en direct. Autodidacte, le compositeur s'appuie en effet sur la musique populaire congolaise, très dansante, pour y insuffler des rythmes et des boucles électroniques. Ce mélange très actuel donne un élan irrésistible à cette musique syncopée.
La danseuse Inès Mangominja s'en empare pour un époustouflant solo de danse africaine, avec une énergie folle, mais maîtrisée. Entre un cadre de porte et celui d'une fenêtre, elle reflète la volonté de tout un peuple de s'en sortir au milieu des violences qui émaillent l'histoire récente du Congo. Revêtant un voile blanc, elle se fait la voix des femmes violées et maltraitées, crimes de guerre commis dans le conflit ouvert entre le Congo et le Rwanda, dans la région du Kivu, notamment.
Il est difficile de rester indifférent à la chanson qu'elle fredonne, soutenue par la percussionniste Huguette Tolinga, ou à la non-prière qu'elle adresse à un Dieu qui semble les avoir abandonnées. Intense, la chorégraphie de ce solo est pleinement soutenue par une musique incandescente, des films tournés par Franck Moka et projetés sur un simple drap tendu, qui évoquent rituels villageois, transe et crimes de sang.
Crédits photographiques : © Sarah Imsand