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À l’Odéon, le génie de Vimala Pons peine à convaincre

Dans Honda Romance, l'artiste aux multiples talents prend tous les risques. Elle ose l'absurde et les métaphores, mêle la performance physique au chant, les trouvailles scéniques et l'humour décalé… Si nombre d'idées font mouche, leur répétition finie par lasser.

est une comédienne géniale et fantasque dont la formation éclectique se retrouve dans ses créations pour la scène. Celle qui a débuté par le sport (tennis et karaté) avant de se tourner vers la comédie et la musique, puis le cirque, tout en étant attirée par l'écriture, n'entend renoncer à rien. Ses spectacles hybrides, concoctés jusque-là avec son comparse avec lequel elle a fondé la compagnie sont toujours attendus et scrutés avec attention. Pour cet opus, se contente de la direction musicale et d'une collaboration à la mise en scène tandis que l'actrice revendique l'écriture et la conception.

Le rideau s'ouvre sur un décor blanc et un satellite reconstitué grandeur nature. Sous lui, comme écrasée, git . Le monologue du satellite nous révèle l'identité du personnage joué par l'actrice : Atlast (jeux de mot entre la traduction anglais de enfin et du mythe d'Atlas qui porte le monde sur ses épaules) dont il est amoureux. Pendant les 20 minutes suivantes, Vimala/Atlast va se dégager par micro-mouvements de cette position inconfortable, jusqu'à porter le satellite bavard sur son dos puis sur sa tête. Le port d'objets imposants sur sa tête est devenu une marque de fabrique de Vimal Pons, qui l'a utilisé dans ses précédents spectacles (souvenez-vous également de la cérémonie des César où elle a porté une réplique gigantesque du trophée sur sa tête). Une « véritable obsession » comme le confie l'artiste, sans doute héritée de sa formation de circassienne et des dix premières années de sa vie passées en Inde avec ses parents où elle a vu nombre de femmes transporter de lourdes charges sur leurs têtes. Par cette performance physique, l'actrice-autrice entend illustrer la notion de d'équilibre/déséquilibre, et la capacité des humains à continuer, à porter leur fardeau et à fonctionner, même lorsque l'on en est empêché. Une métaphore qu'elle va poursuivre sous d'autres formes dans les scènes suivantes.

Dans le deuxième acte, ce sont trois gros canons à air comprimé qui interrompent régulièrement l'actrice dans son exploration des sentiments humains. Seule en scène, cernée par ces canons à air, Vimala Pons se lance dans un tout autre type de performance, en alternant à un rythme soutenu des dizaines d'émotions différentes. En un quart de seconde elle passe du rire aux larmes, de la colère à la douceur, campe des personnages, dans une sorte de transe ininterrompue. Seuls les puissants jets d'air la font taire et chuter, avant qu'elle ne reprenne son exercice. Si la performance mérite le respect et si l'idée est intéressante, elle est tellement tirée en longueur qu'elle en devient redondante et lassante.

La véritable magie de Honda Romance intervient avec l'acte trois de la pièce, et l'entrée en scène de neufs chanteurs aux voix extraordinaires, qui s'harmonisent parfaitement, portés par la musique de . Pour ces chanteurs qui ne se connaissaient pas, aux physiques variés, Vimala Pons a imaginé une chorégraphie à la fois simple mais toutefois complexe à réaliser pour les interprètes qui doivent en même temps chanter, se déplacer, intégrer des accessoires ou des vêtements différents… Grace à un jeu de bandes de tissus intercalées en fond de scène, les chanteurs apparaissent et disparaissent dans des assemblages différents, vêtus différemment, avec une autre expression faciale, un accessoire, etc. La surprise fonctionne parfaitement… jusqu'à un certain point. Cette chorégraphie simple d'apparence puisqu'elle se limite à 150 aller-retours, en marchant entre le fond et le devant de la scène, enthousiasme et étonne, mais finit malheureusement elle aussi par lasser par sa durée.

Sans conteste, Vimala Pons a du talent et bouillonne d'idées. Son spectacle Honda Romance est à son image : foutraque, il déborde d'humour et de références, mais la plupart échappent au spectateur. Chaque partie, sans rapport évident avec les autres, s'étire en longueur, détruisant l'effet de surprise provoqué par l'originalité, l'humour décalé et l'énergie déployée.

Crédit photographique : © Philippe Jarrigeon

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