Au stade où il en est de sa carrière prestigieuse, et sous contrat d'exclusivité avec Deutsche Grammophon, il était nécessaire d'enregistrer un peu de Mozart et de donner à Andrè Schuen sa « carte de visite ». Faute d'intégrale, on se penchera avec intérêt sur ce récital d'opéra, de lieder, airs de concert et cantates.
Après Aix (Don Giovanni) et Salzbourg (Cosi fan tutte, Nozze di Figaro), où peut-on acquérir un meilleur titre de chanteur mozartien ? Effectivement, le baryton italien est excellent dans ce répertoire. La voix sombre et pulpeuse, le style rigoureux, le phrasé parfaitement souple y font merveille, comme ils l'ont déjà fait dans les trois cycles de Lieder schubertiens. Il n'y a que des choses à admirer dans son chant bien maîtrisé. Même les vocalises du Conte et de Don Giovanni sont assumées sans peine.
En termes de caractérisation, en revanche, il y a des réserves à formuler. Andrè Schuen, avec son timbre grandiose et un peu féroce, impose très naturellement une prestance de beau ténébreux, parfait pour les grands seigneurs méchants hommes que sont Almaviva et Giovanni. Pour ce dernier, c'est presque l'idéal : on y trouve peu de joie ou d'exubérance alla Cesare Siepi, mais une morgue, une stature de colosse qui convient bien à celui qui restera debout face au Commandeur. Cette grande classe correspond bien également à l'air de concert rarement joué Mentre ti lascio o figlia, où il parvient à convaincre de l'émotion du père devant s'éloigner de sa fille bien-aimée, ainsi qu'à la cantate maçonnique Die ihr des unermesslichen où il arrive à concilier les dimensions de méditation et de proclamation. Pour les rôles bouffes ou roturiers, il semble malheureusement décalé, trop grave et trop sérieux. On a l'impression d'entendre le Sprecher ou même Sarastro chanter avec Pamina le célèbre duo Bei Männern, et ce n'est pas le contraste avec Nikola Hillebrand, délicieuse de fraîcheur, qui peut l'aider. Leporello est un peu plus crédible, mais Figaro repose le même problème. La direction conventionnelle de Roberto Gonzalez-Monjas devant un orchestre du Mozarteum bien sage et bien appliqué ne fait rien pour ajouter un surcroît de pétulance et de soleil.
Le récital comporte encore quelques lieder, où Andrè Schuen fait de petits miracles de beau chant, de couleurs, de discrétion, et de justesse de ton. Abendempfindung, Traumbild avec l'excellent Daniel Heide, et Komm Liebe Zither avec le délicat Avi Avital sont des merveilles qui justifient à seules l'existence de cet album.
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