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Transparence et lyrisme : Piemontesi et Honeck font chanter Brahms au Gewandhaus

Paru chez Pentatone, ce nouvel album réunit le Concerto pour piano et orchestre n. 2, op. 83 et les Trois Intermezzi, op. 117 de . Chapitre cohérent dans le parcours pianistique et discographique de .

Dès les premières secondes du disque, le rapport au tempo révèle une conception mesurée : ni grandiloquence, ni urgence, mais une respiration maîtrisée. On perçoit aussitôt un dialogue homogène entre le pianiste, le chef et l'orchestre, traversé par un pianisme plus athlétique et percussif lorsque la dramaturgie l'exige. Dans la fusion orchestrale, chaque instrument reste pourtant parfaitement identifiable. Piemontesi privilégie la portée de la phrase – attaques arrondies, pédale parcimonieuse, legato tenu – et met en valeur le contrepoint sans épaissir la pâte sonore. L'impression d'ensemble est celle d'une continuité narrative, d'un souffle ininterrompu.

Le premier mouvement, Allegro non troppo, s'impose par une énergie tendue mais fluide : les tutti poussent, l'air circule, et l'impact ne verse jamais dans la lourdeur. Le contact entre le piano et l'orchestre reste d'une lisibilité exemplaire. À la reprise du thème, une nuance de redite affleure sans rompre l'élan, gardant tout de même un équilibre sûr entre poids et mobilité.

Dans l'Allegro appassionato, l'énergie reste tendue sans dureté : Piemontesi fait jaillir la virtuosité dans une tension allégée, soutenu par un orchestre dense et souple à la fois. Le rythme, nerveux et clair, conserve sa précision et son élan presque populaire ; la tension l'emporte sur la masse, pour un appassionato vif, dramatique et pourtant, jamais pesant.

L'Andante s'ouvre sur un violoncelle solo dont la tendresse contenue irrigue tout le mouvement ; l'entrée arpégée du piano semble naître dramatiquement de ce prélude. La continuité entre rubato et cantabile se règle avec une précision souple, particulièrement dans le dialogue avec les vents. L'impression de suspension continue – un temps qui avance sans hâte – fait de ce mouvement le véritable cœur lyrique du disque.

L'Allegretto grazioso qui conclut le concerto est plus souriant que triomphant : articulation souple, pas dansant et swing discret, portés par une virtuosité sans ostentation. L'orchestre assume une dimension rhapsodique, répondant au soliste par des entrées d'un timing juste, donnant l'impression d'une ineffabilité du temps qui coule.

En coda, les Intermezzi op. 117 referment la parenthèse héroïque par un retour au chant intérieur. Le premier distille une sensation de suspension continue, avec un son à la fois transparent et lyrique ; la gestion des plans sonores est d'une grande délicatesse. Dans le deuxième, là où d'autres recherchent l'élan ou la hâte, Piemontesi choisit un fil patiemment dévidé, déclamé avec calme. Le troisième séduit un peu moins dans son ouverture, plus retenue et aux couleurs sobres dans le registre médio-grave. Très vite pourtant, la pièce s'épanouit : la montée dramatique, vibrante de nuances, lui confère une ampleur qui dissipe toute impression de réserve.

Sur le plan sonore, la prise de son en public est ample et chaleureuse. La scène, large et bien équilibrée, offre un bel espace à l'orchestre, tandis que le piano s'intègre naturellement sans effet de surplomb. On perçoit parfois l'instrument un peu en avant, mais l'ensemble dégage une impression de chaleur et de vivacité très agréable.

Piemontesi et Honeck misent sur la lumière et la transparence, sur une articulation qui parle sans jamais renoncer à la densité. Le cadre du Gewandhaus, sa tradition et la force de son orchestre, se trouvent pleinement engagés dans cette vision claire et lyrique de Brahms.

Le livret, rédigé en anglais, mêle le témoignage direct de – qui décrit ce concerto comme « une célébration du son du piano » et évoque dès l'ouverture du Concerto n°2 « une musique qui annonce un voyage » – à une dédicace à Cécile Ousset et Alfred Brendel. De son côté, Honeck souligne le partenariat avec le soliste et cette conception des concertos de Brahms comme des architectures où le piano est une « voix égale ». Enfin, les notes plus musicologiques de Jan Swafford éclairent avec précision la genèse de l'œuvre.

Le Concerto pour piano et orchestre n° 1 op. 15 est d'ores et déjà annoncé, toujours chez Pentatone, pour 2026. On l'attend avec impatience.

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