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Vittorio Forte : Volver, souvenirs sud-américains…

Pour son premier enregistrement pour le label Mirare, le pianiste réussit un coup de maitre avec cet album intitulé « Volver », sorte de florilège de pièces convoquant nombre de musiciens sud-américains, tout particulièrement argentins.

 Volver peut se traduire par « retour » au sens large du terme, un retour aux racines de la tradition, à ses rythmes, à ses mélodies, souvent enrichies d'une modernité acquise au contact des musiques classiques occidentales ; pour exalter, in fine, un syncrétisme à fort potentiel émotionnel dégagé de tout carcan académique.

C'est tout naturellement (1890-1935) qui ouvre et referme cet enregistrement dans des transcriptions pour piano de avec deux pièces « Por una cabeza » et « Volver » comme un vibrant hommage riche d'émotion et de passion adressé au maitre du tango dans un subtil mélange de mélancolie, de nostalgie et de sensualité.

(1921-1992) est bien sur une pièce maitresse de cet album aux flagrances argentines. Autre grand homme du tango dont il sut élargir les bases, au grand dam des tangueros, l'amenant à quitter progressivement les milongas pour les salles de concert en y intégrant des éléments classiques et jazzy pour créer ainsi le « nuevo tango ». C'est à l'occasion du décès de son père qu'il composa le Tango-Rapsodia « Adios nonino ». Une pièce d'une touchante ambiguïté qui mêle les sonorités sombres du deuil, les accents jazzy et l'allegria sensuelle du tango, tous éléments réunis dans une symbiose d'une indicible tendresse qui peine à masquer la douleur de la perte et de la séparation.

Ce disque ne serait pas accompli sans la présence d' (1887-1959), compositeur brésilien emblématique de cette alliance réussie entre musique savante et musique populaire dont propose deux pièces « Ciclo brasileiro » et « Valsa da dor ».

D'autres compositeurs moins connus complètent ce panel musical. (1912-2000), vaillant représentant du romantisme national argentin avec « Las Ninas » et « Bailecito » tout de tendresse et de délicatesse ; (1882-1948) avec la tumultueuse « Rapsodia mexicana » comme un hommage à la danse (Jarabé tapatio et danse du sombrero) ; (1884-1974) avec ses « Doloras », cinq poèmes chargés d'une ineffable émotion, qui semblent s'adresser au cœur plus qu'à la raison ; (1896-1963) avec ses « Danses afro-cubaines » si colorées et riches en effets musicaux ; (1864-1920), ami de Grieg, avec ses « Quatro peças lyricas » pleine de charme , de poésie et de délicatesse dans une sorte de méditation conclue par une danse de rue brésilienne , la Galhofeira, portée par une dynamique endiablée qui fait voler en éclat tout carcan académique ; (1882-1945) qui vécut la majeur partie de sa vie dans une léproserie colombienne dont la légèreté et l'élégance des pièces « Lejano Azul » et « Malvaloca » surprennent dans ce contexte tragique.

En bref, un superbe album convoquant nombre de compositeurs bien connus, et d'autres moins qui seront pour beaucoup une belle découverte. Volver séduit tant par son programme d'une grande cohérence que par son interprétation pianistique véritablement habitée, irréprochable de finesse, d'élégance où le piano chante pour nous inviter à la danse que ne renieraient sans doute pas les grands interprètes argentins comme Argerich, Barenboim ou autre Goerner.

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