La guitare de Louis XIV est le premier disque de Léa Masson en tant que directrice musicale et soliste. Au début du XVIIe siècle en France, l'instrument vient d'ailleurs, mais surtout du milieu populaire. Par sa pratique musicale et par son appui en tant que spectateur, Louis XIV sera à la genèse d'un âge d'or pour la guitare.
Plaisir musical, mais d'abord encré dans l'Histoire, ce disque témoigne de l'apport sur les arts d'une famille royale qui s'en servait aisément comme levier politique. Voici donc l'occasion d'un tour d'horizon historique de la guitare baroque en France depuis l'arrivée d'Anne d'Autriche jusqu'au cœur du règne de Louis XIV. L'occasion de faire de belles découvertes d'un répertoire venant d'Espagne, d'Italie et de France. Ainsi, naturellement, l'arrivée de l'infante d'Espagne en France est mise en musique par Louis de Briceño (c.1581-c.1646), cette chanson Cancion a la Reyna de Francia ayant donné lieu à une recomposition des parties de dessus par Léa Masson à partir d'éléments de manuscrit. Les noces d'Anne d'Autriche et de Louis XIII sont aussi l'objet de l'air de cour Seguir più non voglio d'Etienne Moulinié (1599-1676), avec la flûte de bec virevoltante d'Arnaud Condé et la virtuosité de la viole de gambe de Natacha Gauthier.
L'intérêt de cette période de l'histoire de la musique vient également du déploiement d'un nouveau genre musical, l'air de cour, que l'on retrouve dans le récit de Mnémosyne Quelles beautés Ô mortels », mis en tablature du luth, d'Antoine Boësset (c.1587-c.1643), l'une des figures marquantes de ce mouvement en début de ce siècle. Les origines de la nouvelle Reine, impulsent la popularité de l'instrument à la cour de France, ainsi qu'une mode hispanique naissante. Les airs de cour se chantent ainsi en français, en italien, en espagnol… et même en gascon comme la chanson L'auzel que sul bouyssou d'Etienne Moulinié accompagné par la guitare principalement en accords plaqués. Les percussions de Julien Gourdin dans le duo parodiant les tensions entre la France et l'Espagne, Espagnol je t'en supplie, caractérisent à propos ces références géographiques, les castagnettes résonnant même pour les airs espagnols de Jean-Baptiste Lully (1632-1687).
Dans cette programmation musicale, la guitare est autant positionnée comme soliste que comme instrument accompagnateur. Léa Masson fait aussi découvrir les différents jeux de la guitare baroque, comme le style luthé qui débute la Pavaniglia con parti varie de Giovanni Paolo Foscarini (c.1600-c.1647). Mais l'auditeur fera aussi la rencontre – souvent une première ! – des grands guitaristes ayant eu les faveurs de la cour, tels que Francesco Corbetta (1615-1681) dont les Chaconnes en do majeur et Folias bénéficient d'une précision et d'une clarté de jeu exemplaires de la part de l'interprète. La Suite en ré mineur d'Angelo Michele Bartolotti (c.1615-c.1682) matérialise quant à elle un sens de la ligne certain de la part de la guitariste dans les parties contrapuntiques du Prélude, Léa Masson sachant faire jaillir avec mesure la gravité de l'Allemande autant que la Gigue virevoltante de cette Suite.
Tout comme ses prédécesseurs du XVIIe siècle, Léa Masson passe de la guitare baroque au théorbe avec succès, à l'image de la pièce majestueuse de Gabriel de Rochechouart (1600-1675) Se voi luci amate, où le ténor Marco Angioloni montre une excellente articulation et une projection favorable au déploiement de cette noblesse musicale. La musicienne souligne ainsi, s'il ne le fallait encore, la seconde principale inspiration de l'époque, l'Italie, avec l'utilisation de cet instrument. La synthèse de ces trois influences – française, italienne et espagnole – se trouve en la personne de Robert de Visée (1652-1730) : son Tombeau de Francisque Corbet est interprété avec sérénité et introspection par la guitariste et la viole de gambe de Natacha Gauthier.
Lire aussi :