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Hergé musicien avec ou sans Castafiore

La musique dans les albums d' ne se limite pas aux apparitions tonitruantes de la Castafiore. Les auteurs le démontrent dans ce petit ouvrage avec maints exemples à l'appui.

Renaud Nattiez n'en est pas à son coup d'essai. Tintinophile il est déjà l'auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. Son frère , musicologue, est un passionné d'opéra, spécialiste de Wagner. En 2023 il a reçu le Prix du Jury du Livre France Musique – Claude Samuel pour La Musique qui vient du froid (Presses de l'université de Montréal). Tous deux répondent ici à la question : était-il musicien, ou plutôt quelle est la part de la musique dans ses albums ? Sous quelle forme est-elle évoquée ?

Bien que son attitude soit ambivalente il est certain qu' aimait la musique, y compris l'opéra, contrairement à ce que sa caricature de diva pourrait laisser penser. Les auteurs livrent différentes anecdotes venant étayer ce postulat de départ. Hergé avait une appétence particulière pour dessiner la musique, c'est certain. 198 cases dans ses ouvrages en attestent. Cependant seuls deux personnages musiciens y sont clairement identifiés : Bianca Casfafiore et son pianiste Igor Wagner. Les auteurs ont minutieusement dressé la liste de tous les compositeurs cités au fil de ces aventures, indiquent précisément les références faites à des œuvres musicales (Faust bien sûr, mais aussi Lucia di Lammermoor, La Veuve joyeuse, La Gazza ladra, Madame Butterfly, Carmen...) et la façon dont la musique est jouée, que ce soit en Afrique ou chez les Incas pour Tintin ou dans les Aventures de Quicke et Flupke où l'on trouve de multiples instruments.

À côté de cet état de lieux précis foisonnant d'informations, l'ouvrage s'attache à la façon dont Hergé dessinait la musique, prouvant qu'il la connaissait et, dans ce domaine comme dans d'autres, il ne faisait pas les choses au hasard. Comment représenter graphiquement la musique et les sons ? Que ce soient les instruments, les chants d'oiseaux, les partitions, les gammes entêtantes dans l'album des Bijoux… Hergé qui a des connaissances musicales basiques, se livre tout de même à quelques approximations dans la façon dont il représente les portées avec des notes sans hauteur précise. L'air des Bijoux de Faust est retranscrit à plusieurs reprises dans des versions qui évoluent. Visuellement Hergé utilise des lettres tremblantes pour montrer le vibrato de la voix, insère des notes éparses dans les vignettes…

Un chapitre est consacrée à la Castafiore, seule personnage féminin de premier plan dans l'univers de Tintin. Une représentation gratinée pour une femme forte et courageuse : elle cache Tintin et Haddock dans sa loge dans L'Affaire Tournesol. Ce n'est pas la Callas qui a inspiré ce personnage à Hergé (sa première apparition date de 1939) mais il y fait toutefois référence en 1958 dans Coke en Stock quand la Castafiore est montrée sur un yacht…

Les auteurs se penchent aussi sur la fonction même de la musique dans le récit. Si elle intervient le plus souvent sous forme d'intermède ou bien de gag, sans faire dévier le récit, elle est décisive dans les Cigares du Pharaon quand Tintin perdu dans la jungle est sauvé grâce à sa trompette qui lui permet de dialoguer avec un éléphant.

Si Hergé était d'une certaine façon « musicien »,  le personnage qui chante le plus au fur et à mesure des albums et de façon récurrente est en tout cas le Capitaine Haddock, et pas seulement quand il a bu trop de Loch Lomond. D'ailleurs la presse à scandales ne lui a-t-elle pas prêté une aventure avec une célèbre soprano dans l'album des Bijoux ? Un document intéressant est reproduit au sein de l'ouvrage pour finir de se convaincre : quatre pages manuscrites de la main d'Hergé, en réponse à un questionnaire de l'hebdomadaire belge Musique numéro 1 (septembre 1978) : le dessinateur est interrogé sur ses goûts musicaux et y dévoile ses compositeurs et interprètes favoris.

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