Les éditions de la Philharmonie de Paris font paraître un beau livre pour accompagner le nouveau parcours du Musée de la Musique, inauguré en mai dernier.
On ne compte plus les ouvrages qui ces dix à quinze dernières années ambitionnent d'aborder tel ou tel domaine de la connaissance sous une perspective mondiale ou globale (telle la fameuse Histoire mondiale de la France dirigé par Patrick Boucheron parue en 2017). Ici, comme l'expliquent en introduction Marie-Pauline Martin, directrice du Musée de la Musique, et Alexandre Girard-Muscagorry, conservateur audit musée et directeur de l'ouvrage, il s'agit de faire prendre à l'organologie un tournant pris depuis longtemps par les sciences humaines et l'histoire de l'art en particulier, afin de déboucher sur « [une] approche de l'instrument de musique dans la complexité de sa trajectoire et de ses transformations symboliques et matérielles au cours du temps ». Technique et spécialisée, l'étude des instruments de musique a pu s'enfermer dans un « isolement disciplinaire » heureusement dépassé depuis une vingtaine d'années par des chercheurs et chercheuses sans œillères, qui mobilisent les outils de l'anthropologie et de l'histoire culturelle « pour penser ce que l'instrument représente dans les sociétés humaines, au-delà de sa seule fonction sonore. » La collection riche et variée du Musée de la musique apparaît comme idéale pour illustrer ce changement de perspective, et la multiplicité des approches est renforcée par celles des regards, car pas moins de trente-six spécialistes différents (professionnels de la conservation, y compris d'autres musées et institutions, universitaires, luthiers, musiciens…) de plusieurs pays ont été mis à contribution.
Des quatre parties qui structurent l'ouvrage et qui sont introduites par un texte-chapeau de haut niveau avec illustrations et références bibliographiques, seule la première, Matières et motifs, jouit d'un angle d'attaque aisément identifiable. On peine un peu à discerner ce qui distingue les autres, intitulées Regards contre regards, Passages et réinventions et Carrefours et contacts, qui présentent toutes trois les instruments de musique sous l'angle de la rencontre entre les cultures, de l'influence et de l'hybridation.
Mais l'essentiel n'est pas là, car le grand attrait de cet ouvrage provient des quarante-trois fiches consacrées à des instruments de musique individuels. Pour chacune, deux pages de texte, une photo de l'instrument et une ou plusieurs illustrations en complément (affiches, gravures, tableaux…) : c'est le format idéal pour découvrir un objet particulier et approfondir son histoire et les questions qu'il pose, sans s'appesantir. On peut les lire à la suite ou butiner selon ses envies. On passe ainsi de l'Eroro du Bénin, une cloche pyramidale que Renée Vivien acquit en pensant qu'elle venait d'Asie, au piano Erard 1802 qui connut dès ses débuts une diffusion mondiale, au banjo et à sa riche histoire entre Amérique et Afrique… Tout est passionnant, éclairant, instructif, et d'une lecture agréable. Et, ce qui ne gâche rien, l'objet-livre, de bonne facture et richement illustré, est un plaisir à manier. De la très belle ouvrage.
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