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Au Théâtre du Châtelet, Jessye Norman de velours

C'est sur une véritable soirée de gala que s'est ouverte la saison 2002-2003 du Théâtre du Châtelet, qui accueillait pour la seconde fois consécutive en ce même cadre, la majestueuse .

Mais, contrairement au Voyage d'Hiver de Schubert mis en scène l'an dernier par Bob Wilson, la cantatrice américaine s'est cette fois montrée en pleine possession de ses moyens. Dans ces deux grands monologues que sont Erwartung (1909) de Schönberg et La Voix humaine (1958) de Poulenc, elle campe avec une présence extraordinaire la Femme éperdue d'amour qui se retrouve seule et affronte la mort, mort de l'amant dans le premier, mort de la femme abandonnée dans le second. La voix de Norman est encore d'une rare plénitude. Ici, contrairement au Voyage d'Hiver, elle ne détimbre ni ne transpose, et même si l'intonation se fait parfois un rien trop basse, le velours est toujours somptueux. Il faut aussi saluer les efforts d'articulation de la soprano, dont le français est plus intelligible que chez nombre de ses consœurs – elle avait d'ailleurs refusé le surtitrage. Pour sa première production lyrique, André Heller signe une mise en scène sobre mais efficace, exploitant intelligemment la stature altière de son interprète qui occupe ainsi la scène avec naturel, contrairement à la scénographie d'Erwartung de Mimmo Paladino, qui place l'action dans quelque musée des Arts premiers surchargé d'objets hétéroclites et de masques primitifs, mais en concordance avec la sienne dans La Voix humaine, son décor étant sobrement constitué d'un canapé blanc et d'une table de chevet sur fond de mur gris. En dépit de beaux instants, l' reste étonnamment en dehors des deux ouvrages, ne s'épanchant à aucun moment, laissant sans doute ce soin à la seule . Le chef américain, qui dirigea plus de dix ans l'Ensemble Intercontemporain, a donné d'Erwartung, partition d'un expressionnisme exacerbé, une lecture froide et sans élans, le néo-classicisme de Poulenc ne l'incitant pas davantage à l'émotion, l'interprétation s'avérant par trop analytique. Au point que l'on saisit avec plus d'évidence que de coutume combien Poulenc use de ficèles, ne cessant de s'auto-plagier, reprenant quantité d'idées de ses œuvres antérieures, particulièrement Dialogues des Carmélites

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