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Ma femme s’appelle Martinů

Nous voici tout juste remis de l'entrée au répertoire parisien de « Juliette ou la Clé des Songes » que revient deux semaines plus tard et à deux pas de l'Opéra Garnier, sur la scène du Théâtre de l'Athénée, avec deux courts ouvrages : « Les Larmes de Couteau » et « Alexandre Bis ».

De même que « Juliette », adaptée de la pièce de Georges Neveu, ces deux opéras de la période parisienne de Martinů sont ancrés dans le surréalisme, et son monde onirique est déroutant. Déjà programmés il y a deux-trois ans puis annulés au dernier moment, iI s'agit de deux raretés en disque et sur scène, mais peut-il en être autrement de la part d'un compositeur si prolifique mais dont on ne joue, aujourd'hui, qu'épisodiquement les œuvres. Et c'est bien dommage, car les rares fois où j'ai pu assister en concert à l'exécution d'une de ses musiques, le public a toujours réagit très positivement. Je me souviens ainsi d'un concert de musique de chambre où ses trois madrigaux pour violon et alto avaient remporté des applaudissements bien plus enthousiastes que ceux réservés aux duos de Mozart.

Les « Larmes de Couteau » est un court opéra radiophonique de 25 minutes sur un livret de Georges Ribermont-Dessaignes commandé en 1928 par la Radio de Baden-Baben pour son festival. Un second opus de cette collaboration, « Les trois Souhaits », suivra en 1929. L'histoire est des plus lugubres et irracontable : une jeune femme aime un pendu suspendu sur scène alors que le prince des enfers, cycliste à ses heures perdues, essaye, avec la complaisance de la mère, de s'attirer sans pudeur et sans retenue les faveurs de la fille. La musique joue souvent à contre-sens avec des airs de cabarets et de jazz des années 1920 qui ne sont pas sans rappeler évidemment Kurt Weill, même si on peut déceler par-ci par-là quelques échos futurs du charme mélodique de « Juliette ». La mise en scène nous plonge dans une atmosphère gothique qu'il était a priori difficile à rendre pour un opéra destiné à la radio. Les lumières, en clair-obscur, et la scène, en plan incliné, donnent l'impression aux personnages de flotter dans un monde évanescent où de curieuses créatures (sortes de petits montres albinos issus d'une quelconque manipulation génétique) dansent dans des cages de lumières. Une curiosité à l'intellectualisme obscur ? Peut-être. Une œuvre insolite à déguster ? Assurément. Un seul regret, la prononciation approximative des interprètes qui faisait perdre la compréhension et magie des mots, et par la même une partie du charme de la musique.

L'Armande de Fabiola-Josée Gonzalez Moreno, malgré tout son charme, ne pouvait égaler la grâce rêveuse de la Juliette d'Alexia Cousin à l'Opéra Garnier.

Au cours de cette première représentation, il y avait juste à côté de moi une petite fille d'une dizaine d'année que son père accompagnait et qui fut enchantée par cet « Alexandre », preuve que le théâtre de Martinů n'est pas réservé à une élite de mélomane.

Crédit photographique : auteur inconnu, CC BY-SA 3.0 CZ, via Wikimedia Commons

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