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Le Mystère Schubert

Comment se fait-il que (1797 – 1828), dont l'œuvre fut reconnue par ses pairs et non des moindres (Beethoven, Weber, Schumann, Liszt …), étudiée en profondeur par les plus grands musicologues (Deutsch, Einstein, Massin, …) puis adulée et portée aux nues par un public reconnaissant, n'ait pu obtenir la gloire et la renommée de son vivant ? Forcer les portes d'un destin irrémédiablement voué à l'échec.

C'est à cette question, qui en engendre bien d'autres, que Christophe Mory se propose de répondre dans cet ouvrage en forme d'essai.

Car il s'agit bien d'un essai et l'auteur prend bien soin de ne pas tomber dans une analyse trop poussée des éléments de réponse qu'il libère, ça et là, au gré des deux cents pages que l'on dévore allègrement.

Les questions assaillent le lecteur dès le premier chapitre consacré à l'exposé du problème : «Schubert parle-t-il aux vrais amoureux de la musique comme Bach ? Elle est ratée cette musique qui aurait due rassembler les foules ? … Pourquoi échoua-t-il ? Échoua-t-il seulement ?»

Voilà bien des questions auxquelles l'auteur apportent des éléments de réponse en puisant tantôt dans la personnalité du compositeur, dans son environnement social et politique et dans le contexte musical de l'époque.

Les préjugés classiques qui ont tant fait de mal au «petit champignon» sont balayés d'un revers de plume : «Schubert boit beaucoup. Alcoolique ? On ne l'a jamais vu saoul ou très rarement. Grand buveur il boit sans autre ivresse que la joie euphorique de partager un moment amical et gai … Mozart fut grand buveur ; on ne le lui a jamais reproché …»

On apprécie vraiment aussi, même si Christophe Mory se laisse parfois aller à des métaphores risquées, cette aptitude à plonger rapidement le lecteur dans l'action. Le style est simple, court et efficace lorsqu'il met par exemple en situation la rencontre avec l'immense Vogl. On s'y croirait, témoin privilégié de la scène du Schubert aux mains moites bredouillant quelques mots de reconnaissance au célèbre baryton avant d'entamer les premières mesures d'Augenlied.

Les mésaventures du compositeur avec l'opéra sont exposées de façon claire et l'on est très vite amené à réviser notre propre jugement sur les véritables raisons de l'échec. Très important aussi, le chapitre consacré à la musique religieuse où l'on obtient des réponses sur le rapport du compositeur avec Dieu et la religion. De sa façon toute personnelle de modifier les textes lorsque ceux-ci ne correspondant pas à ses véritables aspirations. Et l'on apprend aussi beaucoup de l'utilisation du thème du «wanderer» si propre à Schubert.

En conclusion, voilà un petit livre très intéressant pour tout mélomane désireux de se remémorer les points fondamentaux de la personnalité et de l'œuvre du compositeur autrichien. Il donne certaines clés pour mieux comprendre le «mystère Schubert» dans ce qu'il a de plus étonnant et de plus intéressant à nous offrir.

«La musique de Schubert s'impose dans les chambres des étudiants et laisse un parfum qui vous suit toute la vie comme l' «Éternel printemps». C'est sans doute la raison pour laquelle les gens qui l'écoutent se reconnaissent sans le savoir, sans s'épier, sans se faire de mal, et que naît entre eux un sentiment silencieux et sûr comme la présence : l'amitié.» Christophe Mory.

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