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Musica ricercata

Cycle Ligeti/Mahler à la Cité de la musique

Une fois encore, ce samedi 24 mai, la Cité de la musique confirmait l'excellence de sa programmation et la constante qualité de ses concerts. Si le voisinage Ligeti/Mahler était, ce soir-là, plus qu'improbable, rien n'empêchait l'auditeur d'apprécier pour elles-mêmes les quatre œuvres inscrites au programme.

Saluons tout d'abord l'éminente direction de , dont la présence rayonnante, la souplesse féline et l'élégance du geste sont mises au service de l'œuvre pour en modeler le son et communiquer une vision claire et intelligente de l'écriture.

Réunissant les solistes de l', le et douze voix solistes, Clocks and Clouds, écrit en 1972-1973, témoigne du travail constant mené par sur la métamorphose de la matière sonore : l'œuvre évolue selon le processus continu de dissolution des Clocks (montres) en Clouds (nuages) ou, inversement, de condensation et de matérialisation des Clouds en Clocks. Les voix, soutenues par cinq flûtes et cinq clarinettes, chantent en micro-intervalles dans la sonorité douce et claire convenant aux textures fluides. Harpes et percussions réalisent au contraire les formants rythmiques avant leur progressive dilution.

Composée à la même époque (1971), Melodien pour ensemble d'instruments à vent, piano, célesta et percussion manifeste l'évolution du traitement polyphonique chez Ligeti après les monumentales partitions d'Atmosphères et de Lontano. Au sein d'une facture toujours très complexe, de nombreuses configurations mélodiques résonnent en même temps, selon des vitesses et des rythmes différenciés provoquant des illusions acoustiques. De ce point de vue, la partition préfigure les préoccupations rythmiques et polymétriques de Ligeti dans ses œuvres ultérieures.

« Illusion » constitue d'ailleurs le maître mot du Concerto pour violon, dont donna, en première partie, une interprétation saisissante. Conçu en cinq mouvements, comme le Concerto pour piano, il procède d'une même exploration inventive et risquée de l'univers sonore. Très exigeante, la partie de violon y est toujours au premier plan, amorçant la spirale colorée du Prélude ou imposant le pur tracé de sa ligne dans le contexte étrange et détempéré des ocarinas et flûtes à coulisse des deuxième et quatrième mouvements. Les références aux formes du passé (hoquet du Moyen Age, passacaille, choral…) sont autant de stimuli pour une imagination fantasque et fournissent le prétexte à un travail toujours différencié de l'écriture instrumentale. La cadence magistrale que Ligeti réserve au soliste dans l'Appassionato final renoue in extremis avec la longue tradition virtuose du violon.

Toujours sous la direction de , avec, à ses côtés, la mezzo-soprano , le , retrouvant un répertoire plus familier, terminait le concert avec une interprétation sensible et très émouvante des Kindertotenlieder de . Tout semblait en effet converger vers la couleur mahlérienne : homogénéité idéale des cordes, pureté des timbres et clarté de l'articulation des instruments à vent. abordait ces cinq lieder avec une intensité chaleureuse et une belle sobriété, mais on aurait souhaité davantage de conviction dans l'expression du texte où passe quelquefois un vent de révolte. Il manquait, semble-t-il, à la chanteuse finlandaise l'articulation tonique de la langue allemande pour capter l'énergie de l'orchestre, sa mobilité et ses élans où transparaissait chaque instant de l'émotion.

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