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Cité de la musique Domaine privé : Philippe Herreweghe

Du jeudi 25 au dimanche 28 septembre, la Cité de la musique accueillait et ses invités pour une série de concerts autour du thème de la déploration, de l'adieu ou du deuil mis en musique.

C'est au cours de ses études de médecine et de psychiatrie que , natif de Gand, fonde le Collegium Vocal de Gand. Considéré comme un des pères de la musique baroque, il se consacre à la musique vocale de Bach et ses précurseurs puis crée le chœur et l'orchestre de la Chapelle royale et enfin l'Orchestre des Champs Elysées avec l'ambition d'aborder la musique occidentale dans toute son amplitude, « de Machaut à Kurtag ». L'éclectisme de ses choix pour ce Domaine Privé prouve à quel point la rigueur du souci historique qui le guide n'exclut nullement chez lui l'éventualité de relectures inventives.

Ainsi, ce jeudi 25 Septembre, la Cité de la Musique recevait-elle, en première partie de concert, l'ensemble vocal et instrumental Mala Punica (les grenades), voué à la musique du Trecento et à l' italien. Fondé en 1987, le groupe est dirigé par Pedro Memelsdorff, également flûtiste dans l'ensemble, et met à l'honneur, avec une qualité et une virtuosité confondantes, l'exubérance du légendaire dont les ballades, virelais et madrigaux se parent de riches diminutions et d'audacieux contrepoints. Héritiers directs de le noble rhétorique, Philipotto et Antonello da Caserta, dans le sillage de l'Ars Nova florentine, portent l'art de la guirlande ornementale à des sommets de raffinement mélodique et rythmique dont la modernité de ton – les délicieux frottements harmoniques – nous interpellent et nous fascinent. En renouvelant constamment les lieux d'écoute et les dispositifs instrumentaux et vocaux, l'Ensemble Mala Punica sût merveilleusement recréer la poétique sonore et la théâtralité de la subtilitas en musique.

Plus surprenante et risquée fut la présence, en deuxième partie de concert, de l'iconoclaste quatuor de saxophones BL !INDMAN proposant une relecture très personnelle du répertoire polyphonique ancien.

Fondé en 1988 par Erick Scleichim, le quatuor BLI !NDMAN emprunte son nom au titre d'un journal dadaïste publié en 1917 par Marcel Duchamp. Ce terme reprenait l'idée d'un guide aveugle qui, à travers des expositions, commente les œuvres d'art au public. C'est grâce à un dispositif de traitement du son en temps réel que les quatre saxophonistes (du soprano au baryton) démultiplient leurs parties pour reconstituer, par exemple, les vingt quatre voix du Qui habitat de Josquin Desprez. Si l'illusion est parfaite et la qualité sonore étonnante, l'esprit de la renaissance a bel et bien fui au profit de ces nouvelles résonances. La déploration sur la mort d'Ockeghem du même Josquin n'est plus qu'une pâle copie de l'émouvant tombeau du maître franco-flamand et l'on comprend alors à quel point la ductilité des voix chantées et le témoignage littéraire qu'elles véhiculent fondent la richesse et l'authenticité de ce répertoire. Cette démonstration de technicité transcendante prenait cependant tout son sens dans l'interprétation de l'œuvre de , Ricercare una melodia, conçue et réalisée pour un saxophone soliste. Si la confrontation avec des auteurs contemporains intéressés par les mêmes procédés canoniques justifiait cette interprétation, elle n'en déviait pas moins la problématique initiale, laissant l'auditoire tout à ses doutes et ses questions quant au bien fondé d'une telle démarche.

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