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La Belle-Hélène aux Estivales de Brou, les Dieux sont tombés sur la tête

Les Soirées Estivales de Brou ont retrouvé après quelques années d'interruption le chemin des théâtres pour proposer quelques rendez-vous autour de l'Opéra. Ainsi, le public bressan a-t-il eu l'opportunité de découvrir à Bourg-en-Bresse une production très enlevée de La Belle-Hélène d'Offenbach.

Serge Lipzyc, à qui l'on doit la mise en scène de cet ouvrage désopilant par essence, n'avait pas à disposition des moyens illimités. Le décorum, assez réduit, a toutefois permis aux chanteurs et acteurs de distiller le meilleur de la verve contenue dans la géniale opérette conjointement imaginée par Offenbach et ses librettistes Meilhac et Halévy.

Situant l'humour parodique du Mozart des Champs-Elysées et de ses compères dans un contexte contemporain, le travail scénique des signataires de cette production rejoint dans la forme celui de . Un humour certain s'en dégage et une théâtralité sans faille fuse au cours des trois heures que dure le spectacle. Quelques touches clownesques sont apposées fugacement, astucieusement surtout, faisant avantageusement oublier le côté un peu spartiate des décors. La Grèce antique de Ménélas n'est toutefois pas aux abois. Les costumes varient et soulignent à chaque fois le caractère comique des personnages. Le roitelet Ménélas, époux encombrant est tout d'abord affublé d'un costume trop grand qui le rapetisse encore (l'acteur est plutôt de petite taille). Puis, pour son départ en Crète, il se trouve flanqué de tout l'attirail du parfait « petit baigneur attendu chaque année à la même date dans le même camping par les mêmes voisins » : Bermuda et T-shirt jaune criard (on est cocu ou on ne l'est pas…), chapeau mou de pêcheur à la ligne et lunette de soleil ; un humour bien senti que n'aurait pas désavoué Gérard Oury. est tout simplement irrésistible dans cette scène et ses mimes et mimiques de rameur nerveux voguant tout seul dans une invisible coquille de noix en font définitivement la coqueluche du spectacle. Il chante avec conviction bien que d'une voix peu travaillée un rôle qui n'appelle effectivement pas les compétences lyriques des grands ténors italiens. En outre, la scène du songe d'Hélène est magnifiquement rendue par le couple factice constitué à cette occasion, tout comme le jeu de la charade qui se mue en une joute dont les principes sont ceux d'un jeu télévisé : il faut appuyer le premier sur un buzzer pour gagner non pas des millions, mais le cœur de la belle qui ? De la Belle-Hélène, pardi ! D'une verve comique très efficace ! Dans l'acte 2, le beau Pâris « tombe la chemise » et rejoint avec malice une Hélène abandonnée à ses rêves les plus doux. Sur la plage du dernier acte, les baigneurs et leur cour folâtre se baladent en costumes de bain, avec aux pieds leurs savates qui clapotent sous la plante des pieds à chaque pas. Les Dieux sont tombés sur la tête. Renversant !

Nicole Kuster en Hélène se pare d'une prestance classicieuse et sert son rôle sans hystérie. Si l'actrice convainc, la chanteuse ne démérite pas non plus. Elle connaît des moments d'intense félicité vocale, à l'instar de Dame Lott dans le même rôle. Parfois, cependant, la voix se tend dans l'aigu et semble un peu plus courte. Pâris (Gorka Robles Alegria) nourrit son chant des meilleures intentions théâtrales. Il est bien présent, souple, mais pâtit à l'occasion d'un timbre assez nasal. Déguisé en Cardinal, Alessandro Baggio campe un Calchas dont les qualités sont encore en devenir. L'Agamemnon de Bardassar Ohanian suscite en revanche une adhésion bien plus immédiate, tout comme l'Oreste d', aérienne et souple, mais dont on ne comprend hélas le texte chanté que sporadiquement. Le reste de la distribution se glisse de manière idoine au cœur de cet ouvrage monté avec de très hautes exigences théâtrales. Le chœur local s'adonne avec bonheur aux facéties imaginées par Serge Lipzyc. Vocalement, il atteste du travail conséquent mené avec des amateurs que quelques chanteurs et chanteuses plus aguerris (de l'Opéra-Studio de Genève) viennent renforcer. Le résultat est probant. Dans la fosse, Jean-Marie Curti, très actif sur ses terres genevoises, dirige un orchestre très à son aise et précis. La scansion des rythmes se passe sans accrocs majeurs et les mélodies gaillardes ou ironiques d'Offenbach sont agréablement relayées par la phalange symphonique.

Crédit photographique : Chabe01 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0

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