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Jean-Pierre Baston, au fil de l’orgue…

Titulaire du grand-orgue Cavaillé Coll de la cathédrale Saint-Jean de Perpignan et professeur au Conservatoire National de Région, nous propose, pour ce premier enregistrement au disque, une alternance de deux instruments de facture et d'histoire très différentes puisque l'instrument du temple du Vigan vient d'être achevé par il y a deux ans pour interpréter les œuvres de Bach et de ses contemporains français alors que le Cavaillé Coll de Perpignan, terminé en 1857, se prête au mieux à la grande tradition romantique, celle où l'orgue rivalise avec les timbres et les couleurs de l'orchestre. Nous entendrons donc ce monument au début et à la fin de cet album avec, en introduction, une page flamboyante issue de l'improvisation de (1870-1939) que a pieusement consigné sur le papier. L'emphase et la solennité de cet hymne au rythme pointé donne d'entrée de jeu accès à cette immensité orchestrale dont l'organiste accuse la luxuriance par un usage intensif du plenum. Les phases diverses de l'improvisation sollicitent en permanence le souffle puissant de l'instrument faisant déferler par vagues successives ses ondes vibratoires.

Toujours sur le CavailléColl, le premier mouvement Allegro de la sixième Symphonie de Widor (1844-1937) ouvre un somptueux portail de sortie pour clore ce florilège. Compositeur de dix symphonies pour orgue, l'ancien titulaire de Saint-Sulpice fut passé maître en matière de registration, organisant l'espace, hiérarchisant les plans sonores aussi précisément qu'il l'aurait fait pour des pupitres instrumentaux. L'orgue comme dompté par une conduite rigoureuse et un dosage idéal des sonorités, nous fait apprécier la spécificité de ses couleurs et la saveur de ses mixtures. D'envergure plus modeste, l'orgue du Vigan est certes mieux adapté au répertoire baroque – voire renaissant – même si ses couleurs diffèrent sensiblement des instruments de facture plus ancienne. Le programme suivi par nous conduit là du XVIème siècle à nos jours, puisque y figurent les quatre Alleluias d'Alain Louvier (1943) datant de 1983. Exacts contemporains, Couperin (1668-1733) et Marchand (1669-1722) – qui furent respectivement titulaires de l'orgue de Saint-Gervais et de la cathédrale de Nevers – s'inscrivent dans la tradition françaises puisant aux sources du plain-chant. Dans la Messe des Paroisses de , où alternent instrument et versets [chantés par lui- même], l'art ciselé du contrepoint privilégie les bicinia en canon et préserve cette intériorité de la prière que l'on ne retrouve pas tant chez un , plus démonstratif dans le Grand dialogue en ut jouant sur les nuances du clair-obscur. La Partita écrite sur le choral O Gott, du frommer Gott BWV 767 de Jean-Sébastien Bach occupe très certainement une place à part dans cet enregistrement, Partita dont les huit variations exploitent toutes les dimensions de l'écriture du maître de Leipzig, de l'économie la plus minimale à l'éloquence la plus démonstrative. Soucieux de varier les registrations avec un soin tout particulier, Jean-Pierre Baston laisse souvent chanter le Choral orné de ses guirlandes mélodiques dans un climat recueilli et fervent. Le Prélude en ut majeur de Buxtehude (1637-1707) offre une page jubilatoire qui met en valeur le bel équilibre sonore de l'instrument – et l'envergure de ses possibilités – pleinement sollicitées ici par la prodigalité des idées musicales et la plénitude du propos. Intéressante diversion que ce choix de danses et autres pièces de la Renaissance qui font sonner l'orgue en accords, révélant des couleurs jusque là inédites. La transparence limpide des lignes de la fantaisie anonyme Upon la mi ré, évoluant dans un registre lumineux, offre une oasis de fraîcheur avant les déploiements virtuoses du Prélude de Buxtehude.

On regrettera toutefois dans cet enregistrement l'absence de plages de silence suffisantes, indispensables à un véritable confort d'écoute et à l'appréciation de l'harmonieuse articulation de l'ensemble de ce programme. La présence d'un orgue d'aujourd'hui appelait nécessairement une incursion dans le répertoire contemporain Les quatre Alleluia d'Alain Louvier(1943) – compositeur mais également éminent pédagogue et chef d'orchestre – offrent eux aussi une heureuse rupture avec la

tradition contrapuntique, utilisant l'orgue davantage comme un générateur de sons apte à projeter ses nappes de couleurs irisées. Jean-Pierre Baston nous invite là à une écoute attentive de son instrument sollicité dans sa plénitude sonore comme dans ses résonances les plus ténues, nous surprenant parfois de quelques surimpressions inouïes. Bel itinéraire en fin de compte que propose cet album, dont la prise de son restitue au mieux l'âme singulière de chaque instrument choisi.

Vendu par correspondance auprès de l'association : Les Orgues Perpignan-Roussillon. Presbytère de la cathédrale, 1 rue de l'horloge, 66000 Perpignan. Email : lesopr@wanadoo. fr

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