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La Bohème. On n’échappe pas à Puccini

L'enregistrement de La Bohème est suivi d'un Bonus éclaire sa conception de la mise en scène de l'opéra en général et de celui-ci en particulier : jeunesse, passions, déceptions, tragédies et cet irrépressible besoin d'aimer, de vivre et d'espérer (…) constituent le cœur de ce merveilleux joyau.

Certains noteront-ils le manque d'audace ? Le manque de surprise, d'innovation? Il leur répond par avance jugeant, avec une modeste pertinence, sa mise en scène vivante et actuelle, difficile à faire disparaître (littéralement  : une bête difficile à tuer) ; certains ont essayé, surtout les critiques, mais sans succès. Il y a en effet plus de 40 ans, en 1963, qu'elle fut créée à la Scala sous la direction musicale d'Herbert von Karajan. Depuis elle a fait plusieurs fois le tour du monde. Pas de surprise de ce côté-là bien sûr : la mise en scène de Zeffirelli s'adapte parfaitement à l'ouvrage de Puccini et passe admirablement de la comédie au drame. La luxuriance du deuxième acte tranche avec la simplicité du premier : on y plaisante et s'émeut, avant les deux derniers qui font passer de la mélancolie au drame. Décors et costumes sont riches et superbes. Si l'on ne peut pas dire d'une interprétation qu'elle est définitive, celle de Zeffirelli, ici comme ailleurs, aura durablement marqué l'ouvrage de son sceau. Le spectateur y entre immédiatement tandis que l'on sent les artistes à l'aise tant dans leurs déplacements que dans un décor qui les met, eux-mêmes, leur jeu et leur chant, en valeur. C'est beau et confortable.

La Musetta de Hei-Kyung Hong crève l'écran de sa présence, de sa voix et de la justesse de son jeu ; il est d'insouciance frivole à l'acte deux puis de délicatesse au quatrième. paraît ce qu'est Mimi : beaucoup plus discrète, fine et fragile, sauf en l'acte trois qu'elle irradie de ses talents de chanteuse et de comédienne. C'est le seul réel moment où Puccini offre à la soprano le loisir de se libérer. Mademoiselle Gallardo-Domâs y est touchante tant on sent la violence des sentiments de Mimi s'opposer à sa faiblesse physique. Le sobre en Rodolfo, ténor radieux à l'aigu aisé et brillant, a les accents de la sincérité et joue juste ; Roberto Servile est un superbe Marcello, probablement le plus rayonnant vocalement, pendant que N. de Carolis (Schaunard) et le Colline de G-B. Parodi sont convaincants même si ce dernier est une basse un peu légère. Leur quatuor de jeunes artistes insouciants et drôles se forme progressivement à l'acte un en un plateau équilibré et acquiert au fil du texte une belle densité. Leur insolence laisse place peu à peu à la morosité puis à la tragédie vers laquelle inexorablement les entraînent la maladie et l'agonie de Mimi.

Chœurs et orchestre de la Scala semblent se régaler. Sous la direction de Bruno Bartoletti ils interprètent cette Bohème avec leur aisance habituelle. Point de surprise là non plus, on sent la partition rôdée. Presque trop? Rien à redire, rien à dire d'ailleurs sinon que tout est lisse et sans aspérité. Ils accompagnent et soutiennent le plateau de jeunes chanteurs qui se sentent ainsi en totale confiance. L'ensemble donne un spectacle coloré et varié où le drame est malgré tout relégué au second plan. Est-ce malgré ou grâce à la mise en scène qui happe regard et attention?

N'échapperait-on pas à Zeffirelli?

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