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Magnard et Fauré par le Quatuor Ysaÿe

Dans un répertoire inhabituel, le nous offre une fois de plus une interprétation à la mesure de son talent. Tout d'abord dans l'originalité des œuvres choisies : Premier Quatuor d' (1855-1914) ainsi que le dernier de (1845-1924). Puis dans la personnalité de leurs créateurs! Le disque met ces deux compositeursface à face : l'un est révolté et l'autre, insolite dans sa vie de musicien.

Magnard est assurément un musicien engagé. Ses œuvres comme Hymne à la justice op. 14 en l'honneur de Dreyfus et sa IVe symphonie, op. 21 dédiée à l'Union des Femmes Professeurs et Compositeurs le place comme un fervent défenseur de la Cause. Certaines biographies l'ont assurément très maladroitement présenté en ne faisant simplement état que de son courage face à l'ennemi (il meurt en défendant sa maison contre une patrouille allemande en 1914) mais l'Œuvre de Magnard rayonne bien au delà et peut trouver une idéale reconnaissance à travers l'expression la plus sincère de musiciens accomplis et reconnus. Ce parallèle choisi par le Quatuor Ysaye entre Magnard et Fauré nous ouvre les portes d'une période de création française très riche en cette fin de XIXe siècle. Nous ne sommes pas sans savoir que le Quatuor est une épreuve qui aura toujours été très difficile pour le compositeur comme pour les interprètes et ces deux œuvres nous le prouvent encore une fois. Rien n'est facile ici, nous sommes inlassablement dérangés et interpellés par l'évocation d'une œuvre débarrassée des carcans du bien être, comme un tableau de Gustave Courbet, L'Origine du Monde (1866) ou Le Cri de Munch (1893). Le premier quatuor de Magnard est un concentré de vitalité et de création. A son écoute nous sommes submergés par un besoin de vivre exaltant même si les phrases, à la première écoute, semblent désordonnées … Une fois entendue, cette œuvre est irrémédiablement inscrite dans nos mémoires. Souvenez-vous du Quatuor de ma vie de Smetana, par exemple! Le Quatuor de Fauré, bien qu'écrit à la fin de sa vie est vivifiant comme l'œuvre d'une vie nouvelle, cette partition ne nous laisse pas indifférents, son écoute n'est évidemment pas aussi accessible que celle du Requiem. Le en donne une version aboutie qui ne laisse pas de place à la polémique et il semble que ce soit un choix délibéré.

Leur interprétation est savamment dosée : harmonies fruitées voire suaves, spontanéité du geste par une dynamique admirablement distillée et un ensemble qui laisse indubitablement transparaître une volonté de donner une version en total accord avec une vérité historique. Le disque cite un vers de Guillaume Apollinaire (1880-1918) : Cœur obus éclaté tu sifflais ta romance… tiré du poème intitulé La Nuit d'Avril 1915 … vraisemblablement pour Magnard? Serait-ce alors un quatuor idéal ? Magnard, Fauré, Ysaÿe et Apollinaire … Comment ne pas entrevoir les personnalités d'un quatuor accompli qui existe depuis vingt ans dans un absolu artistique. A vous de découvrir qui est qui dans cette formation qui souhaite, dans tous les cas, proposer une identité artistique et musicale aussi forte qu'appropriée.

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