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Hilary Hahn, l’envol britannique concertant

Si nombre d'enfants prodiges suscitent l'intérêt et la curiosité en raison de leur jeune âge, rare sont ceux qui ont su maintenir une carrière à long terme… Car plus on est jeune, plus l'exploit est impressionnant, la performance digne du Guinness des records (!), le vieillissement est donc signe de dégénérescence. A contrario (il faut bien deux extrêmes), on a pu déplorer par sens de la contradiction ou par méfiance le manque de crédibilité de ces jeunes virtuoses, déclamant avec des a priori douteux le manque de maturité, et de « musicalité » des uns et des autres… Tout ce qui est acclamé par la masse, médiatisé est forcément mauvais, à bannir, l'élite ne peux se complaire dans de telles convenances… Il est hélas des artistes, de tous temps, qui ont marqué à la fois leur appartenance et leur détachement à cette « caste » des jeunes prodiges, c'est-à-dire qui ont par la suite fait une carrière mémorable… On peux penser en tout premier lieu, puisque le milieu du violon est concerné par le présent article, à Yehudi Menuhin, mais en élargissant, on peux penser à Claudio Arrau, et puis même Mozart! (entre autres)… Il semblerait d'ailleurs que toutes les grandes carrières aient débuté par un passé d'enfant prodige, et les gens qui accusent la jeunesse sont les mêmes qui acclament des artistes à maturité qui ont été eux aussi mémorablement précoces…

Les mêmes idées reçues vont à l'encontre de , qui en plus de faire une carrière éblouissante, séduit son public grâce a son petit minois, son regard poupin qui rappelle l'innocence et la pureté des enfants en bas age… Elle est intelligente, brillante, célèbre, sans oublier séduisante, il faut donc s'acharner à lui trouver des défauts. On a certes répété qu'elle incarnait le produit parfait, irréprochable et qu'à des fins médiatiques les firmes de disque ont exploité ce potentiel, mais à l'instar d'une Grimaud, a donné aux mélomanes des disques d'une incomparable qualité qui promettent une carrière fulgurante. Sa présente version du concerto d'Elgar laisse le mélomane confondu par la perfection qui s'en dégage. Œuvre rarement jouée, très autobiographique, le concerto d' se soumet à un post-romantisme digne des plus éloquents Rachmaninov et Tchaikovsky, et à ce titre demande beaucoup de la part de son interprète, et en effet on pourra regretter la subjectivité d'un Menuhin ou d'un Heifetz, dont la liberté n'est plus de mise aujourd'hui. Au début du 20 siècle, l'art violonistique était certes radicalement contraire à celui d'aujourd'hui, aussi les deux versions citées ci –dessus pourront se justifier au-delà de leur qualités propres par une « authenticité » interprétative. Ca « tartine » à souhait, et ce avec le plus grand naturel (contrairement à une Anne-Sophie Mutter, enfant prodige si il en est, dont la nouvelle version du concerto de Tchaikovsky, plus encore que l'ancienne, peut en rebuter plus d'un). préfère un plus grand classicisme de jeu, une plus grande clarté, et le miracle tient dans le fait que l'expression n'y est pas pour autant altérée, la sonorité moins chaleureuse, et la fougue essoufflée. Les lignes directrices (si amples! Le concerto d'Elgar est un des plus longs du répertoire) y sont ciselées avec grâce et transparence, la jeune prodige, architecte, dessine un monument au proportions colossales et équilibrées, soutenue par un orchestre au mieux de sa forme. Des qualités tout aussi exceptionnelles desservent l'œuvre de , The lark ascending, écrite en hommage au jeu de la violoniste Mary Hall sur un poème de George Meredith. La pureté, la grâce de l'oiseau, cette alouette qui est source de tout bonheur et tout optimisme, trouvent sous les doigts de fées et la légèreté féline de l'archet de Hilary Hahn une dimension particulière : la jeune interprète aguiche irrésistiblement nos oreilles comme les sirènes par leur chant, elle narre l'insouciance de l'enfance alors qu'elle n'en est pas tout à fait sortie…

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