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Battling Jaap

n'est pas précisément la séduction incarnée. Il n'est pas de ces chefs stars dont les moulinets de baguette aériens ou les poses étudiées cherchent et provoquent l'enthousiasme d'un public conquis par tant de maîtrise chorégraphique. Non. Allure de boxeur entrant sur le ring, il fonce droit dans la musique, tête baissée, mâchoires serrées ; sa gestique autoritaire évoque quelque télégraphe Chappe désarticulé balancé au gré d'une violente tempête. Ce mélange de vigueur et de rudesse, de brusquerie presque, dégage une électricité peu commune et insuffle une énergie constante à ses interprétations.

Lors d'un précédent concert, il y a quatre ans déjà, une excellente symphonien°2 de Brahms avait fait regretter que le constant contrôle orchestral du chef ne s'accompagne pas d'une plus grande liberté, comme si Zweden ne lâchait pas totalement la bride à un tempérament que l'on devinait volcanique. Cette symphonien°6 de Mahler balaie totalement cette objection et prouve a posteriori la justesse de la remarque. Sans rien céder en qualité de finition ni en attention au détail, le chef néerlandais semble oublier toute retenue et file avec une économie dramatique remarquable. Rien de déplacé ou de démonstratif, mais un souffle, une tension jamais démentis tout au long de la symphonie. Et si l'on osait un rapprochement, toujours scabreux, avec un grand interprète du passé, on dirait qu'au-delà d'un parcours professionnel fort semblable, cette absence de concession et d'effets de manche, ce souci d'efficacité et de rigueur, rappellent fort la patte d'un Edouard van Beinum. Rigueur et énergie étaient de fait les premiers mots qui venaient à l'esprit lors de ce concert. Cette économie de moyen rendait l'œuvre d'autant plus poignante que l'émotion n'y était jamais sollicitée ; et si l'œuvre méritait son titre de « Tragique « , c'était au sens premier de conflit héroïque menant à la purification, sans une once de ce pathétisme  » Fin de siècle  » vaguement frelaté que l'on accole trop souvent à la musique de Mahler.

L'appariement de ce monument symphonique avec le très sympathique, mais tout de même bien léger en comparaison, Concerto pour flûte de relevait de cet art délicat du mariage de la carpe et du lapin dont les organisateurs de concerts savent parfois faire preuve. Pour mémoire, on remarquera que la direction très chambriste de Zweden mettait bien en valeur les dialogues de la flûte et des divers solistes de l'orchestre, qu' était souverain dans une œuvre qu'il a récemment enregistrée avec succès et qu'il joue avec une émotion délicate et un sens du swing très réjouissant.

Mais, certes, qu'ajouter de toute façon à la Sixième symphonie de Mahler ?

Crédit photographique : © Capitol de Toulouse

 

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