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Maria Stuarda au Grand Théâtre de Genève

Maria Stuarda est un ouvrage peu joué comparativement à Don Pasquale, par exemple.

Est-ce son sujet historique et dramatique qui le met en retrait par rapport aux partitions écrites par le même compositeur sur des livrets plus légers ? L'histoire traite pourtant du sempiternel rapport au pouvoir, de l'amour émaillé par la jalousie et par le sacrifice, mais dans un cadre fatalement plus austère que la chambre de Norina… Ce ne doit en tous les cas pas être des raisons liées à l'inspiration ou à la créativité de Donizetti, auteur de près de soixante-dix opéras dont certains, même parmi les « connus », demeurent très en retrait de celui qui est présenté –fort pertinemment– à Genève ces jours-ci. Maria Stuarda allie une dramaturgie sans faille à une écriture vocale annonciatrice des grandes pages verdiennes de la deuxième partie du XIXe siècle, sans que celle-ci ne se départisse complètement du bel canto qui a rendu célèbre le compositeur et ses homologues Rossini et Bellini. Le rôle-titre, pour soprano, exige non pas des aiguës stratosphériques, mais plutôt des compétences de soprano dramatique ainsi qu'un sens de la ligne et de la coloration, avec au surplus dans le cas présent une agilité pour les vocalises. L'ambitus de ce rôle n'est somme toute pas très éloigné de celui de la Reine Elisabeth, confié par Donizetti à la tessiture de mezzo-soprano.

Autre élément intéressant, le traitement du chœur auquel est réservé de copieuses pages, parfois concertantes avec certains rôles solistes, nécessitant un travail de mise en place considérable. peut être fière du travail accompli avec ses choristes, ceux-ci s'acquittent de leurs parties avec assurance et homogénéité.

Cet opéra est sérieux, sa musique de toute beauté. Il apparaît dès lors agréable que l'option prise par soit de concentrer l'essentiel de son travail sur un espace quasi-vide et habillé des seules lumières et décors d'enceinte. Une confiance totale et de bon aloi est ainsi faite à la musique. Si parfois les interactions entre protagonistes peuvent paraître un peu molles (premières scènes de l'acte I), celles-ci se révèlent très convaincantes lors de la confrontation des deux femmes et pour l'entier du deuxième acte. La nudité de la scène permet aux lumières de l'habiller de nombreux rais, discrets mais qui créent des contrastes sur les costumes au gré des déplacements des acteurs-chanteurs. Ces rais pénètrent l'espace par les parois latérales dont la conception évoque les vitraux et leurs grandes dimensions l'époque gothique. Le tableau ainsi créé du Palais de Westminster est des plus réussis. Au début de l'acte II, il se pare de lumières bleues, crépusculaires, et fait ainsi ressortir l'atmosphère mortifère en latence. En revanche, le parc du château de Fotheringay où l'on découvre Maria pour la première fois est évoqué par un décor moderne improbable, massif et synthétique qui ne signifie en définitive rien d'intelligible au regard de ce que propose le livret.

Quel bonheur d'entendre Joyce Di Donato dans ce rôle impossible de souveraine amoureuse, mais très seule avec sa jalousie et son intransigeance cruelle. Pas une inflexion de ce personnage ambigu n'échappe à la cantatrice qui insuffle à chaque recoin de ses vocalises l'expression la plus travaillée, la plus fine. Elle varie à foison l'émission, la coloration pour donner vie à cette reine vengeresse. Face à elle, Gabriele Fontana entre dans son rôle avec tout autant de bonheur, surtout au deuxième acte. La soprano est capable de belles nuances et teinte agréablement ses graves, se montrant très à l'aise dans ce rôle dramatique. Sa voix, d'un timbre particulier, s'avère finalement tout à fait séduisante. Le ténor campant le Comte de Leicester () délivre un chant au plus près du canevas italien bel cantiste. Il gagne en expressivité au fil de l'action et convainc pleinement lors de ses implorations et des duos qu'il partage avec Elisabeth comme avec Marie. Les deux voix graves que servent (Talbot) et Marzio Gossi (Cecil) n'appellent pas tous deux les mêmes commentaires. Si Furlanetto chante avec élégance et une belle conduction de ses lignes de chant, on regrettera en revanche l'émission quelque peu engorgée de son homologue. , dans le rôle d'Anna, plait par sa souplesse et la mansuétude qu'elle sait exprimer. Dans la fosse, la direction attentive d'Evelino Pidó ménage équilibre et précision.

Cette production, globalement fort bien servie, est indispensable pour tous les lyricomanes désireux de se forger une autre image de Donizetti que celle que peut imprimer dans les esprits La Fille du régiment.

Crédit photographique : © GTG / Isabelle Meister

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