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Flamboyance et approximations

Le Requiem de Fauré par Minkowski

Omniprésent dans les médias, encensé par certains, détesté par d'autres, est aujourd'hui devenu un phénomène médiatique sur lequel il paraît difficile de se prononcer sereinement. Chef « baroque » mais élève de Charles Bruck – lui-même grand interprète de la musique de son temps et défenseur bien oublié de Gluck – rendu populaire par ses interprétations d'œuvres d'Offenbach, Minkowski échappe en tout cas, fort heureusement, aux simplifications ou aux étiquettes et ce programme, homogène dans sa thématique para-religieuse, montrait une curiosité de bon aloi pour tous les répertoires.

Mais, et sa direction, dans tout ça? Inutile de dire que, malgré le souci du critique consciencieux d'éviter toute idée préconçue, on attendait son Haydn « au tournant », non seulement pour savoir ce que sa pratique baroque pouvait apporter au répertoire classique, mais aussi parce que, comme le confiait un jour un chef, rien de mieux pour juger d'une technique de direction, qu'une introduction lente de symphonie classique. Déception : importants décalages d'attaques ; déphasage permanent entre violons I et II en opposition, inertie générale des phrasés – souvent peu nets -, instabilité de la pulsation jamais « dans le temps », expressivité timide. Très curieusement, son interprétation de cette symphonie n'avait rien que de très traditionnel, en fait, et un Claus Peter Flor par exemple montre une approche plus intéressante du style classique, sans parler d'une technique autrement solide.

La Réformation de Mendelssohn, si elle souffrait d'un même manque de netteté orchestrale, montrait en tout cas une flamboyance qui emportait la conviction. Malgré de surprenants sforzandos très appuyés dans l'introduction, sa démarche musicale, portée par une énergie permanente, montrait une cohérence certaine et la volonté d'éviter toute emphase religieuse et tout wagnérisme, auquel la présence de ce qui sera plus tard le leitmotiv du Graal dans Parsifal pourrait prêter. Tempos prestes, Allegro vivace d'une belle légèreté, couleurs orchestrales claires, cet allant donnait toute sa jeunesse à cette œuvre d'un compositeur de 21 ans, ce qu'on oublie bien souvent.

Une rudesse presque de l'orchestre dans les accords introductifs, opposée à un chœur particulièrement transparent et angélique : dès les premières mesures de l'Introït, l'atmosphère de ce Requiem de Fauré était campée. Aucune onction, componction, contrition dans cette approche qui ne cherche nullement à arrondir les angles d'une partition pas si sulpicienne mais parfois dramatique (Dies Irae). Le chœur Les Éléments, encore une fois magnifique, se chargeait quant à lui de la douceur sans véhémence de cette consolation funèbre. Mais les solistes dépareillaient quelque peu cette très belle interprétation : un baryton retenu jusqu'à l'absence et au détimbrage, sa voix ne se libérant qu'au… libera me, et une soprano au timbre gracile mais dont les trop audibles efforts de prononciation du latin à la française cassaient parfois la ligne de e et de a soudain très ouverts et laids.

Et voilà, ce chef surprenant a convaincu le plus là où on l'attendait le moins, ce qui en soi est une belle leçon. Mais il ne faut pas se cacher tout ce que le succès du Requiem de Fauré devait aux excellents chœurs de , d'ailleurs très applaudis.

Crédit photographique : © DR

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