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Rossini et Meyerbeer, Première mondiale au « bel canto opera festival »

Bad-Wildbad est une ville de cure perdue au fond de la Forêt Noire. Ne cherchez pas son nom dans le Guide Vert Michelin ! Aucun monument remarquable à visiter, aucun site exceptionnel si ce n'est le charme d'un ruisseau coupant la ville et la vallée en deux. Seuls les amateurs de bel canto ou les curistes s'y aventurent.

Parmi ces curistes, un certain Rossini y séjourna, d'où l'idée de créer un petit Pesaro au nord des Alpes. La direction du festival a le courage de programmer depuis plusieurs années des œuvres rares sortant des éternels Barbiere ou Italiana. Fait marquant de ce cru 2005 : la réouverture du Kurtheater (voir photo). Imaginez un petit théâtre de bois ravissant, à l'écart de la ville, en pleine verdure, le ruisseau coulant à ses pieds. Malgré ses modestes dimensions, il bénéficie d'une petite fosse d'orchestre et 200 à 250 spectateurs peuvent y prendre place. Pour l'instant la salle est flambant neuve alors que la cage scénique est en voie d'achèvement. Début juillet le maestro Zedda a inauguré sa réouverture en donnant l'Inganno felice, sous le parrainage et en présence de Dame . En attendant la fin des travaux, la majeure partie des représentations a lieu non loin de là, au Kurhaus, salle plus grande de 450 places, mais qui ne possède pas le charme du Kurtheater.

Il nous a d'abord été donné d'entendre les jeunes « solistes du festival » accompagnés par Marco Bellei, pianiste attentif et efficace. Le programme était constitué de mélodies de Rossini et Meyerbeer en première partie et d'airs d'opéras de Mozart, Bellini, Donizetti, Meyerbeer et Rossini en deuxième partie. La jeune Russe Olga Peretyako montre une grande facilité pour les aigus de Linda di Chamounix malgré un léger vibrato, tandis que la Chinoise Xian Yu Yue Ge reste prudente dans ses choix et son interprétation de la comtesse des Nozze di Figaro. Trois jeunes ténors se relaient ; Joan Ribalta chante avec goût deux mélodies de Meyerbeer, Leonardo Silva, à la voix plus lourde, interprète l'air de L'Africaine, et Filippo Adami assure crânement l'air d'il Crociato in Egitto. Pour la clef de fa, Wojtek Gierlach phrase avec élégance l'air du comte de La Sonnambula. Seul l'air d'Assur de Semiramide lui pose problèmes avec des aigus en dessous et quelque peu étranglés. D'une manière générale ces jeunes voix passent mieux la rampe quand le piano les accompagne et quand le public est plus clairsemé, que lors des soirées ultérieures. Mais ne boudons pas notre plaisir car le niveau musical est solide et le programme de mélodies sort des sentiers battus.

L'Occasione fa il ladro n'est sans doute pas « le » chef d'œuvre de Rossini. Pour allonger la soirée de cette farce en un acte, Thosten Kreissig et ont eu l'idée d'ajouter deux ouvertures au début de chaque partie et de couper la farce en deux actes. Une fois de plus, nous savons gré au festival de nous avoir épargné les ouvertures rabâchées puisque nous entendons celles d'il Signor Bruschino et de la Scala di seta. Autre idée de mise en scène, la présence constante des acrobates Held/Lorenz-Held et le dédoublement des personnages, à la fois stars du chant et personnages de l'occasione. Vocalement, toute la jeune troupe (du ténor Gardar Thor Cortes aux barytons Mauro Utzeri et Gianpiero Ruggeri sans oublier Elizaveta Martirosyan, piquante Berenice) joue avec conviction. Vocalement, c'est plus discret ; pas d'étincelle mais une honnête correction. Agréable surprise du côté de l'orchestre sous la direction malicieuse de Fogliani.

La première mondiale à notre époque de la Semiramide de Meyerbeer a donc eu lieu en juillet 2005. Disons tout de suite notre déception devant cette partition. Certes il s'agit d'un jeune Meyerbeer dans sa période italienne. On ne s'attendait pas à retrouver le Meyerbeer postérieur, celui de Robert le diable ou des Huguenots, mais l'œuvre est assez pauvre. Pauvre sur le plan mélodique et orchestral, ce drame d'après Metastase ne s'écarte pas de l'esthétique rossinienne. Postérieure d'une paire d'années Margherita d'Anjou s'avère bien plus intéressante. Il faut donc des chanteurs exceptionnels pour sortir du carcan des platitudes et sauver ce genre d'œuvre. a connu des jours meilleurs, la voix peine à partir du la aigu. La mezzo Fiona Janes et le ténor Filippo Adami se tirent plutôt bien de rôles très virtuoses ; il leur manque peu pour transformer la difficulté en abattage. Discrets en revanche et Wojtek Gierlach. On saluera la curiosité du vétéran défenseur de raretés qu'est en regrettant que l'œuvre rare en l'occurrence ne soit pas à la hauteur.

Le week-end s'achève sur un récital hilarant. Jouant sur la rivalité des prime donne de l'époque, deux jeunes artistes chantent séparément des airs de Pelagio de Mercadante, de Camilla de Paër, de Lauso e Lidia de Farinelli, de Gabriella di Vergy de Carafa, de Tancredi et l'Italiana de Rossini. Puis pour finir, un duo de Blangini. Jouant sur les clichés, chacune est la diva dans ses excès : altière, déchirant ses partitions, surjouant et cherchant à éclipser sa rivale. Tout ceci serait un peu ridicule si Anna-Rita Gemmabella ou Luisa Islam-Ali-Zade étaient pourvues d'une vilaine voix. Or la première possède un timbre chaud, des graves ronds et sonores ; la seconde n'est pas en reste avec ses aigus et une solide technique. Les airs ne sont donc pas sacrifiés sous prétexte de « faire drôle ». En revanche le clou du spectacle sera le bis « Una voce poco fa » chanté à deux. Chacune cherche à interrompre l'autre, ramène la couverture à soi, surenchérit dans les prouesses savoureuses. Ces deux chanteuses talentueuses ne se prenant pas au sérieux – pour le plus grand bonheur du public – seront justement ovationnées.

Crédit photographique : © Wilbad 2005

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