- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Les promesses d’un jeune chœur belge

Eté musical de Roisin

Chaque fin de mois d'août depuis vingt ans, Roisin accueille l'Eté Musical, dont la programmation est réalisée avec beaucoup de flair et de goût de la découverte par son fondateur Willy Decamps. En trente ans, les artistes prestigieux et les futures « vedettes » ont été nombreuses à faire le détour par ce village situé dans la très belle région des Hauts Pays, à quelques centaines de mètres de la frontière française, citons , , les frères Kuijken, le , le , le … Pour cette trente et unième édition, les artistes belges sont à l'honneur, avec l' au concert d'ouverture, puis pour clôturer le premier week-end, l'ensemble instrumental baroque La Cetra d'Orfeo et le chœur La Capella Mosane. Le concert débute par un recueil de chansons a capella des XVIe et XVIIe siècles, en anglais et en français, célébrant l'amour, de l'amour naissant à l'amour coquin, en passant par tous les stades, de l'amour pressant, déçu, fidèle ou lointain. Ces chansons sont interprétées avec beaucoup de fraîcheur et une très louable attention à la diction par la Capella Mosane qui, sous la direction de son chef Benoît Giaux, fait preuve d'une belle maîtrise et d'une cohésion étonnante pour un ensemble aussi récemment constitué. Le programme est judicieusement choisi pour éviter toute monotonie, ce qui fait un apéritif copieux et varié au concert.

Changement de décor ensuite, avec l'ensemble orchestral la Cetra d'Orfeo qui vient interpréter un concerto grosso de Telemann. C'est une musique au style italianisant marqué, à la virtuosité un peu creuse, mais à l'instrumentation intéressante, puisqu'elle comprend deux hautbois et deux flûtes à bec en plus des instruments à cordes, parmi lesquels deux altos pour un seul violon. Un agréable moment, surtout le très apaisant troisième mouvement cantabile, grâce à l'interprétation vive et légère de la Cetra d'Orfeo, dont les instruments à vent se distinguent par la sonorité douce et lumineuse et l'incisivité des interventions. La seconde partie du concert voit la réunion des deux ensembles pour deux cantates de Bach, qui constituent incontestablement le plat de résistance de la soirée. La cantate BWV 182 « Himmelskönig, sei Willkommen » (Sois bienvenu, Roi du Ciel) est de 1714, elle fut composée à Weimar pour le dimanche des rameaux, et reprise à Leipzig par la suite. L'époque de sa composition est encore pour Bach celle des tâtonnements structurels, car elle comprend trois arias qui s'enchaînent directement, juste après l'unique récitatif de l'œuvre, ce qui est assez inhabituel. Les mouvements les plus intéressants de cette cantate sont une sinfonia d'ouverture de vaste proportion, élégante et solennelle, et un magnifique air pour alto : « Leget euch dem Heiland unter » (Couchez-vous sous votre sauveur), avec un accompagnement délicat de flûte à bec. Dans cet air, le timbre clair , sa musicalité douce, son éloquence sobre, et la souplesse de sa ligne de chant font merveille, ce qui contraste avec un accompagnement orchestral assez amorphe. Cette faillite de l'orchestre sera d'ailleurs à déplorer tout au long de cette cantate : la sinfonia d'introduction manque de souffle et de vigueur, le soutien des airs est mou, peu varié, compassé, les approximations techniques sont nombreuses du côté du violon, la flûte semble absente…

Quel dommage pourtant, car les solistes vocaux se distinguent, déjà citée, mais aussi Benoît Giaux qui utilise avec beaucoup d'habileté les ressources d'un timbre agréable et des aigus insolents, et le ténor Yvan Goossens à la projection exemplaire dans un air un peu court pour profiter de ses qualités. Quant au chœur, passé de huit à douze voix, il est une fois de plus remarquable d'élan et d'enthousiasme juvénile, compensant quelques menues imprécisions dans l'intonation, et des timbres parfois un peu acides du côté des ténors.

La cantate BWV 39, « Brich dem Hungrigen dein Brot » (Partage ton pain avec ceux qui ont faim), est plus tardive : Leipzig 1726, premier dimanche après la Trinité, l'orchestration est plus riche que celle de sa cadette : aux cordes viennent s'ajouter deux hautbois et deux flûtes à l'unisson. L'atmosphère est moins solennelle, plus doloriste, que dans la cantate précédente, mais on y retrouve la rare succession des trois arias, sans récitatif intercalé, tempérée par le fait que l'œuvre est prévue pour être jouée en deux parties, la césure se produisant entre le premier air (alto) et le second (basse). L'interprétation de cette cantate est bien plus satisfaisante car plus homogène, l'ensemble instrumental se hissant à un niveau bien plus élevé, notamment dans le très complexe chœur d'ouverture, au souffle puissant et au rythme sûr. Il reste encore quelques scories au niveau du violon, mais on sent enfin une vision à l'œuvre, et chacun semble vouloir donner le meilleur de lui-même, surtout les bois dans une partition redoutable pour eux. reçoit une nouvelle occasion de se distinguer avec « Seinem Schöpfer noch auf Erden… » (au Créateur et sur terre, un tant soit peu être semblable, c'est à l'avance être saint), dont elle donne une interprétation un rien placide mais d'une grande beauté plastique. Le second air est dévolu à Benoît Giaux, toujours impeccable, avant que la jeune Marie Jennes, au timbre de soprano radieux, d'une grande pureté, ne vienne illuminer le tout simple, mais très mélodieux air « Höchster, was ich habe ».

Crédit photographique : © La Capella Mozane

(Visited 149 times, 1 visits today)