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Kazuchi Ono dirige l’Orchestre de la Monnaie

Boesmans et Mahler

Le fervent mahlérien était gâté cette semaine à Bruxelles, avec une belle Résurrection coproduite par le KlaraFestival et Bozar, puis organisée le lendemain par la Monnaie : la Symphonie n°5, autre œuvre phare dans l'œuvre du musicien viennois, qui marque la fin des œuvres inspirées directement du recueil de poèmes Des Knaben Wunderhorn, et le début d'un cycle de symphonies purement instrumentales.

Avant ce chef-d'œuvre mahlérien, il aura malheureusement fallu subir le long pensum qu'auront constitué les Trakl-Lieder de , qui sont à notre humble avis une succession éparse d'événements sonores indistincts, et dont le soin apporté à une orchestration fournie et démonstrative ne masque pas le manque général d'inspiration, avec ses formules mélodiques rabâchées et ses effets harmoniques sans surprise. La prestation d' n'arrange rien, avec un timbre d'une aigreur redoutable et des aigus souvent faux, et un manque de projection qui la rend inaudible, noyée dans un orchestre touffu. Ne l'accablons pas, car ces lieder dépourvus de tout lyrisme ressemblent davantage à un sprechgesang inabouti qu'à du chant.

La Symphonie de Mahler fut d'un tout autre niveau, portée par la direction tranchante et engagée de Kazushi Ono, le directeur musical de La Monnaie. Le chef propose une lecture verticale et anguleuse, sans épanchement ni sentimentalisme. Cette option convient parfaitement à un premier mouvement lapidaire : marche funèbre à la noirceur brutale et sans espoir. Le deuxième mouvement stürmisch bewegt est pris d'une traite, tendu à craquer, d'une violence rageuse. Il est dommage qu'Ono ne maîtrise pas vraiment le scherzo, qui est très bien attaqué, dansant et ironique, mais dont les épisodes centraux manquent de tension et de puissance, le chef ne semblant pas trop savoir quoi en faire. Il retrouve ses esprits sur la fin, héroïque et exaltante, insufflant à son orchestre énergie et puissance. Alors que l'adagietto est souvent pour certaines baguettes peu inspirées le prétexte à des débordements de sentimentalisme sirupeux, il l'aborde avec une simplicité et une absence de pathos tout à fait bienvenues. Léger et subtil, presque pointilliste, ce mouvement est une superbe réussite, et permet aux cordes de l'orchestre de donner une belle démonstration de leur virtuosité collective. Le final est spectaculaire et exaltant, mais un peu bousculé, la petite harmonie perdant parfois la tête par la faute d'un tempo trop preste.

L', vaillant et enthousiaste, réussit une prestation très honorable, avec des cordes disciplinées et subtiles mais manquant de velours et de profondeur de son, et des bois aux sonorités fraîches et mordantes mais aux traits régulièrement savonnés. Les cuivres font une belle impression, et le premier corniste a bien mérité les chaleureux applaudissements du public pour ses interventions très inspirées dans le scherzo. Le principal reproche à adresser aux musiciens vient d'une certaine hétérogénéité sonore, et d'un manque de fusion entre les pupitres, donnant une impression d'» inachevé » à cette interprétation.

Le public du Palais des Beaux-Arts a donc eu droit, en deux jours, à des exécutions très contrastées mais de haut niveau du corpus mahlérien : A la perfection légèrement chichiteuse d'Ivan Fischer et de Budapest a répondu la franchise un peu brouillonne mais exaltée de Kazuchi Ono et de l'Orchestre de la Monnaie.

Crédit photographique : © Jochen Klenk

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