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Deux opéras intégraux de Ruggero Leoncavallo dirigés par Leoncavallo : un miracle ?

est né le 8 mars 1858 à Naples d'un père magistrat. Très jeune, il entreprend des études musicales, d'abord avec un certain Siri, puis avec un professeur renommé, Simonetti, auteur d'une remarquable Enciclopedia del Pianista.

À l'âge de 18 ans, il sort du Conservatoire de Naples nanti du diplôme de « Maestro ». Il entend se consacrer à la musique lyrique. Il commence un opéra, Chatterton, dont le livret raconte l'histoire tragique du héros du drame d'Alfred de Vigny. Malgré l'échec de cet opéra lors de sa création tardive le 10 mars 1896 au Teatro Nazionale de Rome, Leoncavallo aura toujours pour cet opéra une prédilection toute particulière qui le mènera à l'enregistrer à Milan en mai 1908.

Pour gagner sa vie, il donne des leçons de piano, de chant, et joue du piano dans les cafés-concerts. Lorsqu'il a un peu d'argent, il se met à voyager : il visite l'Angleterre, la France, la Hollande et l'Allemagne. Il pousse même jusqu'au Caire. Durant son périple européen, il n'a pas cessé de composer ; aussi, lorsqu'il rentre en Italie quelques années plus tard, il se présente chez le fameux éditeur Ricordi avec le scénario d'une vaste trilogie, intitulée Crepusculum, qui dépeint la Renaissance en Italie. C'est Leoncavallo lui-même qui a écrit le livret de la première « journée », un opéra appelé I Medici. Ricordi l'accepte. Leoncavallo se met à en écrire la musique. Pourtant, pendant trois ans, il attend qu'on veuille bien créer son opéra. Il rompt avec Ricordi et s'adresse à un éditeur concurrent, Sonzogno, qui lui commande un opéra : ce sera Pagliacci (Paillasse). La création a lieu à Milan, le 21 mai 1892, au Teatro dal Verme. Immédiatement, c'est un triomphe inouï. Du jour au lendemain, le nom de Leoncavallo est célèbre dans toute l'Italie. Le théâtre qui avait monté Pagliacci crée I Medici le 9 novembre 1893 : l'ouvrage raconte la conspiration de Pazzi et le meurtre de Julien de Médicis. Cette fois, c'est un échec total, tout comme Chatterton. Écœuré, le compositeur abandonne les esquisses des deux autres volets de sa trilogie, Savanarole et Cesare Borgia.

Le 6 mai 1897, au Théâtre de La Fenice à Venise, Leoncavallo fait jouer sa Bohème ; en dépit des comparaisons qu'on ne manque pas de faire avec un autre opéra qui traite le même sujet – celui de Puccini – l'accueil est très flatteur. Ruggiero Leoncavallo commence un autre opéra, Zaza, qui est créé avec succès le 10 novembre 1900 au Teatro Lirico de Milan, avant d'apparaître sur les scènes allemandes, hollandaises et françaises. Le Kaiser Guillaume II lui commande Der Roland où l'on raconte la soumission de Berlin à l'Électeur Frederic II. Après la première représentation à l'Opéra de Berlin le 13 décembre 1904, et en dépit du patronage du Kaiser et des faveurs de la cour, Der Roland ne réussit pas à se maintenir à l'affiche.

On se rend compte maintenant que Leoncavallo n'avait pas l'envergure pour traiter des sujets ambitieux, tels que Chatterton (qui paraît peu personnel). En revanche, dans des opéras comme Zaza et Pagliacci, dont les thèmes sont mieux à sa portée, il se révèle homme de théâtre, possédant un sens très aigu de l'action théâtrale, tout en ne maîtrisant pas suffisamment la matière musicale dans laquelle on relève nombreuses platitudes et réminiscences.

Le tout premier enregistrement intégral de Pagliacci, proposé ici, date de juin 1907, sous la direction de Leoncavallo lui-même, avec Giuseppina Huguet, Francesco Cigada, Ernesto Badini et, pour le rôle de Canio, Antonio Paoli (pour l'édition de luxe, transférée ici par Marston) et Augusto Barbarini (pour l'édition courante). On peut ainsi apprécier l'ouvrage tel que le compositeur l'a voulu. En dépit des imperfections techniques, il est assez significatif de constater qu'on n'entend dans cette gravure aucune des outrances déclamatoires et mélodramatiques que de mauvaises traditions ont installées un peu partout, et ceci doit être également valable pour Chatterton, même si sa rareté à la scène et en disque favorise difficilement les comparaisons.

Les transferts de Ward Marston – ingénieur du son maître en la matière et sommité internationalement reconnue par les amateurs d'enregistrements historiques – sont tout simplement extraordinaires de clarté et de présence, en précisant toutefois qu'il s'agit bien évidemment, en l'occurrence, d'enregistrements acoustiques.

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