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75ème Anniversaire de la Casa Velazquez

La Casa Velazquez est située dans la Cité Universitaire de Madrid, site exceptionnel qui accueille chercheurs et artistes ayant choisi le monde hispanique comme sujet d'inspiration. Fondée en 1928, cet établissement français est un lieu privilégié d'échange artistique et scientifique entre l'Espagne et la France. Parmi les musiciens ayant séjourné à la casa Velazquez pendant deux ans, notons la présence de Nicolas Bacri, , Philippe Fénelon, , Gérard Garcin, , Olivier Kaspar, Edith Lejet, , Laurent Martin, Thierry Pécou, Michèle Reverdy… L'ensemble Soli-Tutti sous la direction de Denis Gautheyrie a pour vocation de faire partager le répertoire de la musique vocale d'aujourd'hui, a capella ou avec orchestre et grands chœurs au plus large public. Fort d'une expérience originale, cet ensemble, créé en 1988, surmonte avec brio les difficultés techniques liées à la musique contemporaine, et enrichit peu à peu son répertoire : Maurice Ohana, Emanuel Nunes, James Dillon, György Ligeti, Iannis Xenakis, Pascal Dusapin, , Thierry Escaich, …

Pour commémorer les 75 ans de la Casa Velazquez, ce disque présente une œuvre de quatre compositeurs ayant séjourné dans ce lieu mythique. a déjà beaucoup écrit pour chœur a cappella ou pour voix et ensemble instrumental. Les poètes contemporains français ou étrangers le fascinent. Lui-même pianiste, il donne régulièrement des concerts d'improvisation, alliant dans une forme de spectacle, comédiens, poètes, peintres, photographes, vidéastes et scénographes. Pensionnaire de la villa Médicis à Rome de 1996 à 1998, il séjourna à la Casa Velazquez de 1999 à 2001. Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, est une œuvre qui aborde le thème de la rencontre à l'Autre, la confrontation à l'étranger et aussi à soi. Deux chœurs se font face, l'un français, l'autre espagnol, animé par un étranger, extérieur aux deux groupes. Une phrase forte de sens y trouve toute sa place, dans la répétition, « L'étranger te permet d'être toi-même, en faisant, de toi, un étranger », phrase hermétique pour certain et si claire pour d'autres. Deux textes en langues différentes qui vont trouver un premier « compromis diplomatique » sur lequel s'entendre et avancer de concert, à partir du mot « réfléchit » et « reflexiona ». On retrouve très nettement les techniques d'écriture des doubles chœurs de Guillaume de Machaut (1300-1377). L'écriture reste simple et limpide.

Le second compositeur n'appartient pas au même registre. a suivit les cours de composition au Conservatoire de Paris, travaillant sa plume avec Gérard Grisey, Thierry Escaich et Marc-André Dalbavie. D'influence spectrale, il est depuis 2004 le compositeur en résidence de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse. Dans Ishk, il remonte aux sources de l'Islam, à savoir la tradition soufie, à l'époque où l'Andalousie est sous autorité musulmane. Sorte de poésie érotique et mystique, cette pièce illustre l'interprétation des désirs humains à travers le prisme de Dieu dans la religion musulmane. Tel un sortilège ravélien, la pièce s'ouvre sur un fourmillement de couleurs lointaines d'un passé riche et ruisselant comme les fontaines de l'Alhambra.

Elève d'André Jolivet, le troisième compositeur de ce disque est . Il fût lui aussi boursier de la Villa Médicis et de la Casa Velazquez. Nombreux sont les prix et distinctions qu'il a reçus depuis plusieurs années, Prix Arthur Honegger (1994), Prix Maurice Ravel (1996), Grand prix Musique Symphonique de la SACEM, Victoire de la Musique Classique 2005. Il écrit actuellement Le Moine Noir (d'après A. Tchekhov) une commande de l'Opéra de Leipzig qui sera crée en 2006. La pièce qu'il présente dans cet album est L'Infinito ou l' »immensité [dans laquelle] la pensée s'engloutit « . Pour 12 voix mixtes a cappella sur des poèmes de Giacomo Leopardi, en mémoire de Federico Fellini décédé l'année de l'écriture de l'œuvre. Sous forme de madrigal, elle alterne des passages polyphoniques et des passages récités entre solistes.

Le dernier compositeur à illustrer ce disque est . Elève d'Olivier Messiaen, de Pierre Schaeffer et d'Antoine Duhamel, il réalise de nombreux voyages d'études à l'étranger, parcourant ainsi l'Afrique du Nord, la Polynésie, l'Egypte, Israël… Spécialiste des musiques de tradition orale au Conservatoire National Supérieur de Lyon, il est récompensé du Prix de Composition Lili Boulanger, du Prix Georges Wildenstein, du Prix René Dumesnil, du Grand Prix Musical de la ville de Paris et du Grand Prix Musical de la Fondation Prince Pierre de Monaco. Il est élu en 1995 membre de l'Académie des Beaux-Arts à l'Institut de France. Il a travaillé également sur la polyphonie des oiseaux en milieu équatorial, et tel un passionné des langues, il entreprend des études sémitiques approfondies à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales ainsi qu'à l'Ecole des Langues Orientales Anciennes de l'Institut Catholique. Décédé en 2004, il laisse derrière lui un corpus d'une richesse exceptionnelle qui ne cesse de révéler sa profondeur humaine et son extraordinaire ouverture d'esprit. L'œuvre présentée ici est Asmarâ pour chœur mixte, sur un psaume éthiopien. Cette œuvre est le résultat de la série de voyages effectués par J. L. Florentz dans la communauté orthodoxe éthiopienne du monastère de Dabra Gannat, à Jérusalem. Parallélismes d'intervalles, dissonances stridentes et techniques subtiles du respons typiquement africaines, répétitions strophiques sur un texte court et unique. L'élévation du diapason tout au long de la pièce lui confère une tension forte, qui se conclue sur un silence, inspiration pleine d'énergie et qui nous rappelle que les modèles structurels occidentaux n'ont pas exploré tous les horizons.

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