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Motets pour la Chapelle de Louis XVI

Jubilé

Suite du jubilé de dans le Nord avec ce concert co-produit par l'Atelier Lyrique de Tourcoing et les Liaisons Musicales de Marcq-en-Barœul, présentant un programme de Motets datant de la fin de l'Ancien Régime. Trois compositeurs nés à quelques années d'intervalle sont au programme : les wallons Grétry et Gossec, et le parisien Giroust.

Spécialiste du genre opéra-comique, Grétry est le plus célèbre des trois, principalement pour sa production lyrique dont quelques titres survivent grâce aux enregistrements : Zémyre et Azor, Pierre le Grand, Richard Cœur de Lion, … Son Confitebor date de ses années d'apprentissage à Rome vers 1760. On y retrouve les caractéristiques principales de la musique galante : un style concertant virtuose et raffiné, avec prépondérance de la voix soliste, mais aussi l'inventivité mélodique propre à Grétry, ainsi qu'une expressivité loin de toute frivolité décorative. C'est une musique pleine de vigueur et de saveur, dont on retiendra surtout des chœurs à la carrure puissante (Confitebor tibi Domine, Fedelia omnis) et une partie de soprano très développée (quatre airs sur dix), à l'ornementation riche et délicate.

Natif de Vergnies dans la botte du Hainaut, Gossec a eu une vie exceptionnellement longue pour l'époque puisque né dix années après le couronnement de Louis XV, il s'en est fallu d'un an pour qu'il connaisse le règne de Louis-Philippe. Comme celle de Grétry, sa carrière brillante sous l'Ancien Régime ne sera pas entravée par la Révolution dont il sera l'un des musiciens les plus en vue. Son motet Terribilis est Locus Iste révèle une œuvre d'écoute facile et agréable, assez décorative, pas profondément personnelle ni très marquante. Brillant orchestrateur, directeur du Concert spirituel, Gossec est plus à l'aise dans la symphonie, dont les deux premiers mouvements sont très réussis : le premier par la profondeur et le lyrisme de ses thèmes, ce mouvement fait d'ailleurs souvent penser à une ouverture reprenant les thèmes principaux d'un opéra encore à composer, le second mouvement par son climat sombre et passionné. Le menuet et le mouvement final sont moins intéressants, et vite oubliés, leur énergie et leur élégance ne masquant pas une virtuosité assez creuse et un manque d'idées véritablement originales.

Né à Paris, François Giroust connaît lui aussi les honneurs de l'Ancien Régime : Maître de la Chapelle de Louis XVI, surintendant de la Musique du roi, compositeur de la messe du sacre de Louis XVI, il compose des hymnes patriotiques sous la Révolution mais finit dans la gêne au poste de gardien du château de Versailles. Son Benedic anima mea est une œuvre très intéressante, à la couleur assez rustique, dont l'orchestre rappelle parfois Rameau et dont les chœurs sont magnifiquement développés. On en retiendra aussi, Cantabo Domino in vita mea, un robuste air de chasse pour ténor, et Qui emittis fontes in convallibus, un air pour soprano au climat délicatement pastoral.

La musique de cette soirée est donc d'intérêt assez inégal, mais sa réalisation est par contre d'un niveau tout à fait excellent et très homogène.

Remplaçant Hjördis Thébault initialement prévue, Kareen Durand, une chanteuse qui avait fait bonne impression au Concours Reine Elisabeth de chant 2004 et qu'on aurait aimé voir arriver en finale. Les nombreux airs qu'elle a chanté au long de la soirée lui permettent de déployer toute l'étendue de son jeune talent, faisant admirer la pureté de ses aigus, la vélocité de ses vocalises et le charme un peu impersonnel de son timbre radieux mais pas encore assez corsé. Dans ses deux airs, James Oxley est absolument irréprochable, sa voix assez blanche étant parfaitement adaptée à ce répertoire. Chantant un peu bas, n'attaquant pas franchement la note, est moins convaincant, mais son timbre est suave et la souplesse de sa ligne de chant charmeuse. a quant à lui une voix plutôt monochrome, mais il assure sa partie sans aucune difficulté, diction mordante, éloquent, et se permettant quelques aigus de toute beauté.

Le Chœur de chambre de Namur et l'ensemble Les Agrémens sont des spécialistes incontestables de ce répertoire : le chœur a enregistré la Messe des morts de Gossec (K. 617), sous la direction de , et l'orchestre est engagé dans une anthologie de la musique destinée au Concert spirituel par les compositeurs wallons, un disque est d'ailleurs paru chez Ricercar (lire la chronique de notre collaborateur André Delacroix). Prestation admirable du chœur, faite de souplesse, de brillant et d'une très forte individualisation des timbres. L'orchestre n'est pas en reste, vif et concentré, avec des cordes de sonorité douce et claire, et des vents savoureux et bien en place. Avec Jean-Claude Malgoire, un vrai chef est à l'œuvre : il mène son monde avec bonhomie et tendresse, adoptant des tempi modérés, cherchant la chaleur avant l'éclat, et obtenant des phrasés expressifs et naturels.

Ce concert sera repris le 3 décembre à la Chapelle Royale de Versailles. Les motets ont été enregistrés, le disque paraîtra chez K617.

Crédit photographique : © DR

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