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La valeur n’attend pas…

L'O.F.J., et

L'O. F. J., autre chouchou des Dijonnais (cf. les orchestres allemands et l'O. N. F. !) depuis sa mise en résidence au Duo-Dijon dès l'été 2001, a eu le temps de se faire des amis et a conquis les cœurs. Nous en avons ici la preuve éclatante : le plein! Et ce n'est pas un vain mot ; pour cette soirée dijonnaise de l', les mille six cents places de l'Auditorium sont occupées. A tel point que le chroniqueur se trouve relégué à l'avant dernier rang du troisième (et dernier) niveau de la salle…et que nous vient alors la crainte que, sur le plan de la perception, le concerto de Dvorák programmé en première partie, ne s'apparente à quelque manière de Tout un Monde Lointain

Et le fait est que, si les exceptionnelles qualités acoustiques de cette salle sont effectives, il n'en demeure pas moins qu'au niveau du détail (tant visuel qu'auditif), le sommet de l'amphithéâtre ne permet qu'une perception globale dirons-nous « moyenne » et que nous échappent, par exemple, tous les traits rapides du violoncelle fondu dans l'orchestre (mais à qui, notoriété oblige, nous voudrons bien accorder un crédit de réussite…). Cela dit, tous les éléments qui font de cette pièce sans doute la plus prisée du répertoire pour cello et orchestre sont bien là, et conformes à l'imprégnation qu'on peut avoir des multiples interprétations entendues : richesse mélodique de la plus belle inspiration, habitée de la fameuse mélancolie slave magnifiquement rendue ici, puissants tutti orchestraux alternant avec des soli du plus fondant lyrisme (splendide solo de cor, constituant le second thème du premier mouvement!) : tout est parfaitement en place et chacun, au sein de l'orchestre accomplit proprement son travail ; le maestro Casadesus y veille et ce n'est plus le temps des répétitions de l'été ; L'O. F. J. a eu, depuis septembre dernier, plusieurs occasions de faire goûter à des auditoires divers (Saint-Jean-de-Luz, Mortagne, Paris-TCE) les fruits de son labeur. C'est donc une prestation rodée qui nous est offerte ici, le soliste succédant pour la session d'hiver à Gautier Capuçon (session d'été). Cependant, c'est justement de la partie soliste que nous vient une relative déception quant à cette interprétation (mais, encore une fois, les conditions d'écoute n'étant pas des plus favorables), dans la mesure où le Matteo Goffriller de , s'il sonne à nos oreilles très juste et somptueux de timbre, nous parvient souvent trop discret ou carrément « avalé » par l'orchestre. Le soliste donne en bis El Cant des Ocells (le Chant des Oiseaux) cher à Casals. Son jeu, d'une grande pureté magnifie l'émouvante simplicité du thème populaire catalan et en dégage l'indicible poésie….

Quelque bonne fortune nous ayant permis un net rapprochement du lieu des opérations, c'est dans de bien meilleures conditions que nous abordons la seconde partie du programme. L'O. F. J. – au complet – (cent dix exécutants) s'attaque à présent à ce que l'on considère communément comme la plus célèbre pièce d'orchestre du XXe siècle : Le Sacre du Printemps. Que de chemin parcouru (dans les esprits et les habitudes d'écoute) par cette œuvre fascinante depuis le retentissant scandale de 1913…pour parvenir aujourd'hui à la quasi-popularité! Un succès qui repose en fait sur deux termes essentiels : « rythm and dance » auxquels il convient d'ajouter : sonorités. Le Printemps évoqué ici se souciant aussi peu de tendres bourgeons que de bucoliques floraisons du style Cerisiers roses et Pommiers blancs, c'est donc davantage au basson ou à la clarinette basse, à l'âpre raclement des archets sur les cordes graves, à l'éclat des cuivres et au fracas des percussions qu'on a recours pour mettre en scène cette prodigieuse barbarie, plutôt qu'au hautbois pastoral ou à la harpe cristalline. Et les forces régénératrices de la nature, impétueux torrent et primitif chaos mêlés de rituels païens se traduisent par force déchirantes dissonances et rythmes obsédants. Des rythmes dont les ruptures, la mise en place représentent de redoutables difficultés pour un orchestre et son conducteur. Mais , en pédagogue éclairé et chef chevronné, a visiblement fort bien préparé son monde, et ces jeunes musiciens « aux âmes bien nées », admirables de maîtrise technique ont remarquablement assimilé cette musique exigeante. Si bien que, tout au long des deux parties du Sacre, le jeune septuagénaire Casadesus, animé d'une sidérante énergie, porte littéralement son orchestre jusqu'au bout du Sacrifice. Mais si « Elue » il y a, c'est bien et avant tout l'irrésistible musique de Stravinsky, à la cause de laquelle nos jeunes musiciens sont manifestement tout acquis, transportant du même coup un public enthousiaste.

L'O. F. J., longuement ovationné, redonnera en bis la dernière danse sacrale. Sacrée soirée…!

Crédit photographique : © Corrado De Innocentiis

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