Le Messie de Haendel fait partie de ces œuvres immensément populaires dont on n'a jamais l'impression d'avoir fait le tour, malgré des dizaines de versions de valeur, illustrant des optiques radicalement différentes : minimalistes, victoriennes, monumentales, authentiques, belcantistes, romantiques, … le Messie survit à tout, sauf à la tiédeur. Nouveau venu dans la course, ce Messie a été capté en concert en septembre 2005, et fait partie d'une ambitieuse édition des oratorios anglais de Haendel (sont déjà parus Jephta, Samson, Judas Maccabaeus, Saul, Solomon et Belshazzar) enregistrés au monastère de Maulbronn, classé par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité.
Les atouts de cette nouvelle version sont nombreux, à commencer par un chœur à la cohésion remarquable, d'une grande beauté de timbres, et à l'accent anglais très naturel. L'orchestre n'est pas en reste, utilisant des instruments anciens, il séduit par la douceur de sonorités jamais agressives et par une riche palette de couleurs. Le chef Jürgen Budday met l'accent sur l'élégance, la musicalité et la souplesse plus que sur le drame et les contrastes. Une direction sage, détendue mais pas mièvre, toute en finesse et d'une parfaite lisibilité, qui nous rappelle que le Messie est aussi un message de joie et d'espérance.
Le contre-ténor Michael Chance est la principale faiblesse de cet enregistrement : le chanteur n'a jamais brillé par la beauté du timbre, mais lors de ce concert, la voix est à son plus fade, atone et blanche, et l'élégance des phrasés ne masque pas les aigus écorchés, la vocalisation laborieuse et l'incapacité à tenir la note. Le ténor Mark LeBrocq séduit par sa franchise et son éloquence, et par un médium clair et frais, dommage qu'il chante parfois trop bas (Ev'ry valley) et qu'il ait du mal à émettre certains aigus. La soprano Miriam Allan a un timbre tout à fait charmant, vocalise avec une virtuosité très impressionnante mais assez mécanique (Rejoice), les aigus sont très purs, la ligne de chant est soignée, et elle est très émouvante dans « I know that my redeemer liveth ». La palme de ce quatuor reviendra néanmoins à la basse Christopher Purves, impressionnant d'aisance, au timbre éclatant, à l'ornementation aisée et à la diction mordante, et ses deux plus beaux airs « The trumpet shall sound » et « Why do the nations » seront un régal pour ceux qui aiment les basses agiles et solidement timbrées.
Voici donc un Messie d'excellente facture, naturel et spontané, qui n'est certes pas poussé par une grosse machine marketing, mais qui mérite qu'on lui accorde son attention.