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Passage par la case Mozart pour Pierre-Laurent Aimard

Le pianiste est avec Hélène Grimaud et Jean-Yves Thibaudet, le seul pianiste français à enregistrer régulièrement pour une multinationale du disque. Ce mérite est d'autant plus grand que ses disques ne font pas dans la facilité : Ives et Carter côtoient Ravel, Debussy et Beethoven. Cette consécration n'est que justice tant le talent et l'intelligence du jeu de cet artiste en font un des pianistes les plus pertinents du moment. Nikolaus Harnoncourt ne s'y est pas trompé en lui confiant le clavier de son intégrale des Concertos pour piano de Beethoven. Depuis cet enregistrement, une confiance s'est instaurée entre les deux artistes et le pianiste est fréquemment invité à se produire dans le cadre du festival Styriarte de Graz dont le grand chef d'orchestre est directeur artistique. L'été dernier, enregistrait live ce programme de concertos écrits dans la tonalité de si bémol majeur. Ce parcours est chronologique car l'on débute avec le Concerto n°6. Composée en 1776, cette pièce se caractérise par l'habileté de son écriture et son grand raffinement sans pour autant dépasser le statut documentaire par un trop grand respect des codes. Le Concerto n°15 de 1784 est une partition d'un tout autre niveau dont la clarté du ton et l'utilisation magistrale des vents frappent les oreilles. On ne présente plus le Concerto n°27, dernier concerto pour piano du compositeur. Sa nostalgie et sa légère mélancolie alliées à la fluidité et la transparence du discours composent une musique aussi dramatique que fascinante.

Dans une discographie surabondante en quantité et en qualité, le pianiste frappe par la justesse de son approche. On est loin du Mozart galant et précautionneux ou de la brutalité des baroqueux, le jeu est précis, sec, léger et transparent. Ce Mozart intellectualisé et désentimentalisé se concentre sur le respect rigoureux de la partition. sait animer le discours et le relancer dans jamais tomber dans l'ennui poli et esthétisé qui caractérise de nombreuses interprétations de ses concertos. Bien malheureusement, l'orchestre de chambre d'Europe est en service plus que minimum. Certainement épuisé par ses nombreuses prestations opératiques et concertantes dans le cadre du festival Styriarte où il est orchestre en résidence, cet ensemble se révèle bien sec et avare en couleurs. Le début du Concerto n°27 est à ce titre exemplaire de cette désolante sécheresse et les cordes y sont d'une aigreur repoussante. La formation n'est sûrement par aidée par le pianiste qui dirige du clavier. Sans véritable expérience dans le domaine, sa direction est convenable, mais on peut rêver un autre écrin et un autre élan pour accompagner l'excellence de son jeu. En dépit de cette importante réserve, il faut encore saluer la prestation pianistique et l'approche de Pierre-Laurent Aimard.

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