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Tellurique : Mariss Jansons dirige Chostakovitch avec le Concertgebouw

Avec celui de Mozart, l'anniversaire de sera l'événement majeur de l'année 2006. Le centenaire de sa naissance voit les programmateurs s'efforcer de mettre au premier plan les symphonies du maître russe.

Le compositeur s'impose de plus en plus comme un chouchou du public et il fait salle comble à chaque exécution de ses vastes fresques. Dans le cadre de sa résidence annuelle au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et avant d'entamer une tournée européenne et américaine, l'orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam et son chef nous proposent la symphonie n°7 dite « Leningrad ». On connaît le contexte de création de cette œuvre dans Leningrad assiégée par les Allemands. Le compositeur, alors qu'il aurait pu être déplacé, souhaita expressément rester dans sa ville natale. Désireux de participer à la défense de la ville, il fut incorporé dans le piquet d'incendie du groupe de défense anti-aérienne. Différentes photographies présentent ainsi le créateur coiffé du casque réglementaire. La création de l'œuvre, le 5 mars 1942, par l'orchestre du Bolchoï dirigé par le grand Samuel Samoussoud fut un évènement artistique et politique et l'œuvre devint le symbole de la résistance du peuple russe. Reprise avec succès à travers le pays, la partition fut transférée sous forme de microfilm aux États-Unis où l'attendait l'élite des chefs d'orchestre. Aucun d'entre eux ne voulait manquer l'opportunité de donner l'œuvre en première américaine. Ce fut Toscanini qui remporta l'honneur de créer cette œuvre à New-York en février 1942. Au cours de la saison 1942-1943, la partition fut jouée soixante deux fois sur le continent américain par des chefs commeSerge Koussevitski, Léopold Stokowski, Artur Rodzinski, Dimitri Mitropoulos, Eugène Ormandy, Frederick Stock, Pierre Monteux et Carlos Chavez. La popularité de Chostakovitch était immense et on prête à Rachmaninov auquel un journaliste voulait consacrer un article, la phrase suivante : « A quoi bon? Tous les compositeurs russes sont oubliés. Il n'en reste qu'un : Chostakovitch ». Pendant longtemps, cette partition devint la création symbolique de son auteur à l'image de la symphonie n°5 pour Beethoven. Cependant, cette partition est désormais légèrement dénigrée et on lui préfère la symphonie n°8, l'autre grande symphonie de guerre et les dernières réalisations considérées comme plus profondes et inspirées. Ces avis sont réducteurs et force est de constater que la Leningrad reste une partition géniale et tellurique qui soulève l'enthousiasme du public.

est l'auteur d'une assez décevante intégrale des symphonies pour le label EMI, mais il possède des affinités avec ces symphonies de guerre. Son enregistrement de cette œuvre avec la Philharmonie de Saint-Pétersbourg est une référence absolue tandis que son exécution de la symphonie n°8 est l'une des meilleures versions modernes. Dans cette musique épique et narrative, le chef d'orchestre évolue comme un poisson dans l'eau. Ses tempi sont assez allants et il sait maîtriser l'implacable progression et les explosions sonores de la partition en évitant de tomber dans le pompiérisme : le final de la symphonie, pris dans un tempo accéléré, dynamite tout. Face à lui, l'orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam est, comme d'habitude, d'une sidérante excellence ; le grain des cordes, la beauté des vents et la précision des cuivres font merveille. Le timbalier, particulièrement en verve, rythme la partition et donne une belle impulsion aux premier et dernier mouvements tandis que certains solos des vents sont mémorables. Une standing ovation vient récompenser la performance de Jansons et de ses musiciens. Concerts après concerts, on ne peut que louer les musiciens amstellodamois d'avoir élu comme directeur musical ce chef d'orchestre dont le charisme et l'engagement sont quasiment sans égal.

Crédit photographique : © DR

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