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Epoustouflant Mardirossian !

Surprenante musique française

Année Mozart, suite ! L' fête le 250ème anniversaire du compositeur en intégrant à chacun de ses concerts du Théâtre des Champs Elysées un de ses concerto pour piano. Après Ciccolini, Engerer, Braley c'est au tour de , jeune pianiste arménien de 30 ans, d'exécuter le Concerto n°20, l'un des plus connus et des plus joués. Au programme, aussi, deux compositeurs français qui par leurs personnalités différentes représentent l'héritage impressionniste et obtinrent d'ailleurs tous les deux le prix de Rome à 19 ans d'écart. L'Ensemble était dirigé par le tout jeune chef slovaque Juraj Valcuha qui a pu montrer son charisme et sa parfaite compréhension de la musique française.

Jacques Ibert a composé cet Hommage à Mozart en 1956 à l'occasion du bicentenaire de la naissance de qui-on-sait. Dans cette courte pièce de 5 minutes environ, au caractère festif et brillant, Ibert ne cite pas de thèmes connus de Mozart, mais, avec quelques pointes d'humour, s'inspire de son style. L'écriture est à la fois très classique et personnelle. Cependant, ce morceau n'est pas seulement un divertissement, Ibert insère également des passages assez dramatiques rappelant la face obscure de Mozart : c'est ainsi que la mélodie gracieuse et humoristique à la flûte est aussitôt reprise en mineur par tout l'orchestre. La pièce dans sa globalité peut donc faire penser à une ouverture d'un opéra mêlant à la fois seria et buffa. Juraj Valcuha et ses musiciens interprètent cette œuvre avec vivacité, malgré certains traits inégaux aux violons, mais en revanche de très beaux solos parmi les vents.

Composé en 1785, le Concerto n°20, un peu à part dans la production de Mozart, utilise la tonalité sombre de ré mineur qu'il reprendra dans son Don Giovanni (ouverture et scène finale de la vengeance du Commandeur) ainsi que pour son Requiem. Dans l'introduction, l'orchestre peine à trouver un juste milieu entre les syncopes et les triolets des basses mais il retrouve son aisance dès que le pianiste commence à jouer. Avec grande sensibilité, interprète l'œuvre avec fougue mais sans tomber dans la virtuosité pure et chante chaque phrase, chaque impulsion avec beaucoup de soins et de détails. Les traits sont articulés avec grande agilité. Même si le développement est un peu moins réussi, la cadence, en revanche, a conquis le public. Empruntant celle écrite par Beethoven, Mardirossian crée la surprise par une interprétation d'une fulgurante virtuosité, insistant sur les accords lumineux et déroutants écrits par le jeune compositeur autrichien. Par son énergie endiablée, il relance ainsi l'orchestre qui conclut ce premier mouvement avec force et conviction. Dans la superbe Romance du second mouvement, Mardirossian joue cette fois-ci avec simplicité et beaucoup de légèreté tout en phrasant avec une multitude d'articulations. Dans ce premier thème s'intercalent deux autres mélodies. Dans la première, il laisse totalement libre cours à son inspiration et dialogue merveilleusement avec l'orchestre. La seconde, plus impétueuse, manque en revanche d'entrain mais la transition pour retourner à la mélodie initiale est un ralenti tout à fait convainquant. Ce mouvement se termine tout en diminuendo. Mardirossian se lance alors dans un final emporté et passionné. L'orchestre reprend ce Rondo de manière robuste et flamboyant. La cadence, de nouveau celle de Beethoven, est jouée avec brio et les trilles deviennent endiablées à l'opposé de l'interprétation de William Kempf qui lui, la joue avec lenteur et mélancolie. En bis, joue le célèbre Nocturne n°20 en ut dièse mineur de Chopin et se laisse guider par la mélodie : des pianissimos intimistes aboutissent à des fortissimos déchirants.

Composée en 1907, la Tragédie de Salomé fut écrite pour un mimodrame de la compagnie de ballet de Loïe Fuller et fut dirigée par Inghelbrecht dans une version pour orchestre de chambre. Aujourd'hui, on joue surtout l'arrangement pour grand orchestre remanié par le compositeur en 1911, et qu'il dédia à Igor Stravinski qui en fut d'ailleurs tout à fait satisfait. L'œuvre, d'après un poème de Robert d'Humières, se découpe en cinq mouvements : Prélude, Danse des perles, Les Enchantements sur la mer, Danse des éclairs et Danse de l'effroi. Schmitt travaille surtout sur les thèmes qui représentent les personnages. Dès les premières mesures, on perçoit l'excellente maîtrise d'écriture du compositeur. Les combinaisons instrumentales sont très recherchées et l'orchestre sonne remarquablement avec grande puissance pour un orchestre de théâtre. Les thèmes sont facilement reconnaissables et sont d'une grande inventivité orchestrale. L'œuvre débute mystérieusement par les instruments graves donnant une couleur acide et légèrement angoissante. On reconnaît des sonorités orientalistes qui ajoutent à l'œuvre un nouvel effet dans l'orchestration. Un solo de cor anglais se déploie de façon large et paisible (magnifique interprétation de Michel Giboureau). Puis c'est le début d'une danse très rythmée et solennelle et tourbillonnante. Dans la dernière partie c'est dans un tempo vif, de plus en plus endiablé appuyé par la percussion (qui n'est pas sans rappeler Le Sacre du Printemps) avec des entrechoquements abrupts et interminables que s'achève le ballet. Toutefois, cette œuvre a besoin de sa chorégraphie pour être parfaitement comprise et elle paraît donc assez compliquée et très longue à la première écoute. Cependant, l'idée d'avoir joué cette œuvre dans sa version originale permet de redécouvrir une partition qui n'est plus donnée de nos jours.

Juaj Valcuha et l'orchestre sont très performants dans ce répertoire difficile. Le chef démontre le coté passionnant de cette période finalement mal connue de l'histoire de la musique.

Nous avons pu ainsi découvrir deux jeunes musiciens qui sont en parfaite connivence avec un qui a comme ambition de faire apprécier un répertoire peu courant.

Crédit photographique : © : DR

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