- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Rolando Villazón, récital récité

Le monde de l'opéra a bien changé. Dans un passé pas si lointain, un chanteur faisait ses preuves sur scène avant que le disque ne reflète et perpétue son talent. Aujourd'hui, d'abord on enregistre puis l'interprète est envoyé dans le monde entier pour promouvoir son disque avant de, peut-être, le défendre sur scène. Ainsi, on fabrique la star en phase avec des critères choisis par les hommes du marketing. Pour peu qu'elle rencontre la sympathie du public, le producteur de la maison de disques lui construira sa carrière. Combien de temps tiendra-t-il ? Les chiffres des ventes le décideront.

Pris dans une formidable organisation commerciale, l'artiste laisse place aux financiers. Ainsi, si vous êtes ténor, vous ne couperez pas à fournir un pot-pourri d'airs d'opéras parmi les plus connus et les plus rabâchés du répertoire. Cette figure imposée s'avèrera la moins risquée pour assurer le remboursement des frais engagés à la promotion.

Ainsi, à grand renfort de publicité, , le ténor vedette de la scène lyrique actuelle, vient de commettre un florilège d'airs connus allant de Giuseppe Verdi à Giacomo Puccini en passant par Bizet, Donizetti, Strauss et Mascagni. Le jeune homme s'en donne à cœur joie. L'enthousiasme débordant de sa jeune voix est réconfortant. Il donne l'impression de s'amuser tant l'aisance vocale dont il fait preuve paraît le surprendre. Il pétille, il éclate, il bondit. C'est frais, c'est jeune, c'est brillant. Mais bientôt, cette première impression favorable laisse place à un sentiment de superficialité.

Bien sûr, les notes sont là. Précises, contrôlées. Même si la voix n'est pas très belle, les aigus fusent malgré une étrange sensation d'entendre imitant la voix de Placido Domingo. Placement identique et mêmes portamenti. Plus dérangeante, sa diction laisse beaucoup à désirer. Particulièrement en français. Tout cela ne seraient que des défauts mineurs si le ténor « racontait » sa musique. Malheureusement, il se contente de la chanter. D'une plage à l'autre, d'un personnage à l'autre, d'un rôle à l'autre, même si les mélodies, les mots, changent, tout est chanté tout sur le même ton. Avec les mêmes intonations, les mêmes couleurs vocales. Il place tout son chant dans la puissance laissant peu de place à l'expression. Un récital récité.

Un disque raté ? Certainement s'il n'y avait ce miraculeux « Je crois entendre encore… » des Pêcheurs de Perles de Georges Bizet. Après un récitatif hurlé du plus vulgaire effet, Rolando Villazon entonne la romance avec un mezza voce des plus touchant. Si le passage en voix de tête traduit une technique encore incertaine, l'expressivité du chant est un pur ravissement. Comme le pianissimo final. Cinq minutes de bonheur pour une heure de musique, c'est peu, mais un tel moment d'exception mérite à lui seul l'achat de cet enregistrement.

Les inconditionnels du ténor ne reculeront pas devant l'achat de la version de luxe de ce disque qui offre un DVD d'une quarantaine de minutes durant lesquelles livre ses impressions sur le chant et l'opéra dans une intéressante interview agrémentée d'extraits de l'enregistrement de cette session. On se régalera à l'écoute de l'homme Villazón. Eminemment sympathique, il touche par son étonnement sincère au succès qu'il rencontre.

(Visited 187 times, 1 visits today)