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Chapeau bas pour Monsieur Giorgio Strehler avec Così fan tutte

Avec ce Così, l'Opéra de Lausanne a mis une production de grande ampleur au cœur d'une saison résolument émaillée de comédies au ton léger (Rigoletto mis à part).

Un grand rendez-vous avec l'histoire de la mise en scène d'opéra était donné au public du Théâtre Municipal de Lausanne puisque le spectacle de célébrait tout à la fois la mémoire du fondateur du Piccolo Teatro de Milan et le 250e anniversaire de la naissance de Mozart, si tant est qu'il est encore nécessaire de rappeler ce dernier point. Précisons que, pour l'événement, une exposition bien achalandée en illustrations retraçait le parcours mozartien de l'homme de théâtre italien dans les murs de l'institution lyrique.

C'est dire si les artistes convoqués devaient se montrer à la hauteur de la renommée et du prestige qui précédait la première lausannoise de ce spectacle ! Force est de reconnaître que cette production a rempli l'essentiel des attentes qui y avaient été projetées. La reprise et l'adaptation du travail de Strehler est au bénéfice d'une grande lisibilité. Les décors, imposants latéralement mais jamais écrasants, se révèlent somme toute assez sobres, efficaces, est-on tenté de dire. La scène est habillée par des lumières uniformes en fond de scène en lieu et place d'un fatras d'accessoires. Ceux-ci ne font toutefois nullement défaut puisque la luxuriance de certaines scènes ressort fort bien par l'entremise des costumes, notamment.

Surtout, la direction d'acteur est réglée avec une rare minutie, dans un respect constant de la musique. Si parfois, les deux sœurs adolescentes chantent en faisant face au public, elles tournent en même temps le dos à leurs prétendants, si bien que le chant se projette vers le public tout en respectant des intentions théâtrales claires pour ce qui a trait au positionnement relatif des protagonistes. La veine théâtrale est classique, certes, mais avant tout d'une grande probité et se profile comme une révérence au passé sans en reproduire les poncifs. Così fan tutte est bien sûr un ouvrage ou le comique habille des thèmes sérieux, voire graves, intimement liés à la condition humaine. Cette école des amants, si elle amuse par ses rebondissements vaudevillesques, n'en demeure pas moins une peinture sans ambages des relations. L'ouvrage est de ceux qui égayent les esprits dans l'instant et qui fait blêmir d'effroi une fois le rideau final retombé, en dépit de l'épilogue heureux (?) que trouve la pièce. La production lausannoise semble avoir voulu mettre l'accent sur ce grimage par l'humour des sujets troublants. Bien sûr, ceux-ci s'y expriment dans les faits incontournables (et fort heureusement non travestis par les partis pris scéniques) mais très vite les éléments cocasses ressurgissent comme pour s'assurer de la prédominance de la légèreté. Tutto e burla ? La question demeure aussi vive qu'au terme de Falstaff. Mais il est de bon ton et peut-être de bon aloi de rire du glissement que connaissent les jeunes amants, d'autant que les acteurs-chanteurs plaisent autant par leur chant que par leur jeu scénique.

Fiordiligi et Dorabella ( et Sophie Marilley respectivement) possèdent toutes deux des voix fort à propos pour Mozart. Capables de vocaliser avec aisance et précision, les deux cantatrices, chacune dans sa tessiture, font montre d'une projection généreuse, dotant leur chant d'inflexions qui entretiennent un rapport au texte très plaisant, notamment dans les récitatifs. s'est piquée d'un Per Pietà agile et d'une grande pudeur, loin des accès furibonds qui y ont parfois cours. L'imploration a pris avantageusement le pas sur la seule démonstration pyrotechnique. Fin chanteur au timbre séduisant, le baryton Mario Cassi (Guglielmo) s'est parfois laissé couvrir dans les grands ensembles. Quant au ténor , il se profile également comme un chanteur idoine pour Mozart, un brin court peut-être. Il a gratifié la soirée d'un superbe « Un'aura amorosa » y osant les nuances des plus raffinées mais lors du deuxième acte, le même chanteur a montré des signes de fatigue. Don Alfonso et Despina, le troisième couple en quelque sorte, a bénéficié d'atours indéniables, avec des interprétations directes et vivantes. Ce panorama critique ne serait pas complet sans souligner l'excellence de la prestation de l'Orchestre de Chambre placé sous la direction souple et équilibrée de .

Crédit photographique : © Marc Vannapelghem

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