- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Evgeny Svetlanov dirige Respighi : colossal !

En collaboration avec Melodiya, le label Scribendum propose une édition de la trilogie romaine de Respighi selon . Chef d'orchestre charismatique et génial, ce musicien au répertoire gigantesque savait comme personne tirer le maximum des musiques qu'il dirigeait et sous sa baguette, nombre de partitions académiques et scolaires devenaient des chefs d'œuvre (en particulier, la très longue et scolaire Symphonie n°2 de Liapounov que le chef d'orchestre transforme en feu incandescent)

La trilogie romaine d' pose de nombreux problèmes au chef d'orchestre qui doit combiner la finesse des textures tout en faisant sonner les passages démonstratifs. Incontestablement, il existe dans la discographie de ces œuvres des interprétations plus idiomatiques car l'auditeur doit surmonter deux écueils : la prise de son pauvre en relief et les timbres assez rauques de l'orchestre. Mais en dépit de ces réserves, l'oreille découvre, fascinée, l'emprise de ce chef qui ose et assume tous les excès dans des partitions si souvent ennuyeuses.

Les Fontaines de Rome, de loin la partie la plus délicate du triptyque, sont restituées dans des tempi très amples qui laissent la musique s'écouler avec calme et musicalité. Svetlanov, grand amateur de la musique française, tire la pièce vers un certain esprit Debussyste du meilleur effet. Les Pins de Rome montent d'un cran dans le délire. Si les trois premiers mouvements sont encore assez musicalement corrects, les Pins de la voie Appia tournent à la beuverie sonore. Dans un tempo ralenti à l'extrême, le chef fait de ce dernier mouvement un véritable numéro d'anthologie : ce n'est plus un défilé des légions romaines, mais une véritable invasion barbare ! Les percussions éructent, les cuivrent crachent de la lave et les dernières minutes anéantissent tout sur leur passage. Les Fêtes de Rome sont tout aussi propices à une nouvelle d'ébauche d'effets et l'orgie continue. Les ruptures les plus brutales, les variations les plus incroyables, les brusques changements de tempo, Svetlanov ose absolument tout ! L'orchestre est pris plus d'une fois en défaut et les pains et canards aux cuivres sont nombreux, mais face à une telle démonstration de délire orchestral, on ne peut que rendre les armes.

Ceux pour qui le respect des intentions du compositeur prime resteront fidèles aux enregistrements de Fritz Reiner (RCA), Lorin Maazel (Decca), Leonard Bernstein (Sony), Charles Dutoit (Decca), Charles Munch (Decca) ou Riccardo Muti (EMI) mais les amateurs de direction d'orchestre chériront cet album inclassable.

(Visited 606 times, 1 visits today)