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Clarté et rigueur pour Mahler entre les mains de Bertini

Le chef d'orchestre connut une tardive heure de gloire au Japon où ses apparitions étaient des évènements guettés avec impatience par le public. Il faut dire que le chef d'orchestre leur réservait des festins avec son répertoire de prédilection : les symphonies de . Ces disques sont d'ailleurs tirés d'un cycle consacré au compositeur et présenté à Saitama et Yokohama entre 2000 et 2004. est l'auteur d'une intégrale enregistrée durant les années 1980, à la tête de l'Orchestre Symphonique de la Radio de Cologne (EMI). Passées inaperçues à leur sortie à une époque où les grosses cylindrées symphoniques et médiatiques se lançaient, elles aussi, à l'assaut de ce corpus, ce legs a toujours été chéri des admirateurs du compositeur. La probité de l'approche et la hauteur de l'inspiration servent idéalement cette musique et il faut également y relever deux réussites absolues : la Symphonie n°8 et das Lied von der Erde qui atteignent les sommets de la discographie.

Ces disques du label japonais Fontec furent enregistrés en public au début des années 2000. dirige l'Orchestre Symphonique Métropolitain de Tokyo dont il assurait la direction musicale depuis 1998. Cette phalange fondée en 1965 n'est certes pas l'orchestre mahlérien le plus idiomatique et il faut s'habituer au son très international de l'orchestre, aux timbres assez peu caractérisés et à l'articulation plutôt neutre des cordes. Cependant à aucun moment l'orchestre ne démérite et il peut même faire valoir son homogénéité, la qualité de ses pupitres et la finesse de ses sonorités. Le Mahler de Bertini se caractérise par l'attention portée au cantabile, à la clarté des lignes et à la progression, on est ici à mille lieux d'un Mahler colossal ou froidement analytique.

La Symphonie n°7 est assez problématique. L'orchestre met du temps à se chauffer, le premier mouvement est plutôt attentiste et l'on sent l'orchestre chercher ses marques. Mais progressivement, la phalange est à son aise et elle fonce tête baissée dans les pupitres. Pourtant, c'est dans cette partition intraitable qui soumet vents et cuivres à rude épreuve que l'absence de tradition mahlérienne de cette formation s'avère la plus flagrante. La lecture du chef privilégie l'équilibre et la puissance, mais à l'exception d'un dernier mouvement qui s'emballe, cet enregistrement nous laisse sur notre faim et l'on n'évite pas quelques passages à vide dans les mouvements centraux.

La Symphonie n°9 s'impose comme l'une des meilleures interprétations modernes. L'orchestre qui semble jouer sa vie suit avec précision et incandescence la battue de son chef. Bertini campe un Mahler résigné mais jamais pessimiste, le premier mouvement est tendu et noir à l'extrême, les deux mouvements lents apparaissent légers et tranchants comme des scherzi beethovéniens et le dernier mouvement est irradié de lumière. On peut en dire autant d'un très grand Adagio de la Symphonie n°10 emporté vers un apaisement grandiose. Cette pièce n'a jamais autant semblé être le cinquième mouvement de la symphonie précédente

Das Lied von der Erde se présente comme un songe tant le chef insiste sur la douceur des sonorités et la transparence des lignes. Dans des tempi assez retenus, Bertini prend tout le temps d'englober les mots des textes chantés dans un superbe écrin sonore. Particulièrement déchaînés, les vents de l'orchestre se livrent à un véritable concours de musicalité qui culmine dans un sublime « Abschied » final. Le chef est aidé dans son optique par les timbres automnaux mais clairs des deux chanteurs : la mezzo-soprano Susan Platts et le ténor .

Ces interprétations de haute volée confirment l'appréciation favorable que l'on avait du chef dans ce répertoire. On trouvera plus de renseignements sur les enregistrements de ce chef sur le site du label http : //www. fontec. co. jp/

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